Back to the roots : SEYMINHOL I, Nothern Recital (2002) - Le contexte

Le 31/01/2021

«  Nous étions sûrement les premiers à proposer cette thématique dans le style avec un concept historique aussi fouillé. »


Seyminhol, 1989-2019. Trente ans de métal,  cinq albums, quelques EP, une marque de fabrique, signe d'ambition et de qualité.
Le groupe d'Algrange, qui ne connaît pas la langue de bois, a accepté de revenir sur l'album "Nothern Recital", (2002), qui devait influencer la suite de sa carrière.
Cette interview "Back to the roots" est réalisée en deux parties : dans la première, nous verrons le contexte dans lequel "Nothern Recital" est sorti ; dans la seconde, Seyminhol nous parlera de La réalisation et de l'accueil de cet opus, ainsi que de sa place dans leur discographie.

Seyminhol 2003Seyminhol 2002 - de gauche à droite Chris, Julien, Nico et Kevin.


"Nous avons réalisé que le groupe prenait un nouveau virage."


Ahasverus : Pour commencer j'aimerais situer "Nothern Recital" dans son contexte : il sort en 2002. C'est le quatrième opus de Seyminhol, mais le premier au format "album". 2002, c'est l'année de sortie du "Rock In Rio" de Maiden, du "Reroute to Remains" d'In Flames et de "Six Degrees of Inner Turbulence" de Dream Theater. La France adopte l'Euro, le Front National accède pour la première fois de son histoire au deuxième tour des élections présidentielles contre Jacques Chirac. Comment se porte la scène française et où situe Seyminhol, en cette période ?
Kévin (chant) :
L'origine de "Northern Recital" est réellement à rechercher en 1998 lorsque nous préparions notre MCD "Indian Spirit". Sur cet album, le titre "Fury of the North" annonçait vraiment notre virage heavy metal alors que le reste du mini album était très orienté hard rock FM voire rock français (seuls quelques titres ont été conservés à l'époque alors que nous avions composé un véritable album). Mais ce virage il fallait l'amorcer et, surtout, il fallait pouvoir le faire. En 2000, après une énième séparation du groupe (déjà à l'époque), et le flop du MCD précité, il était temps d'évoluer. Je rêvais de faire du power metal symphonique à la Rhapsody qui était le groupe du moment et les anciens membres étaient plutôt ouverts à cette idée. En France, il n'y avait rien dans le style à l'exception de Dyslesia ou d'Heavenly.
Seyminhol indian spirit

Seyminhol, "Indian Spirit", (1998)


En tous cas ces deux formations avaient une forte visibilité. Il fallait donc oser parce qu'il y avait encore de la place pour ce genre de métal et qu'il y avait des labels prêts à nous suivre. Le seul problème était les musiciens. Marco (guitariste) était un excellent soliste très inspiré par Malmsteen, Éric (second guitariste) avait un superbe jeu bluesy et savait s'adapter à tout mais ils n'étaient pas du tout prêts à trop évoluer. Nous n'avions pas de clavier, ni même un batteur capable d'assurer sur un style si particulier qui demandait beaucoup de double grosse caisse. C'est donc le moment où Julien Truttman nous a rejoints - un jeune très talentueux qui écoutait Dream Theater en boucle – et où j'ai proposé à Nicolas Pélissier - avec lequel je jouais dans Heresy (projet prog metal trop ambitieux…) - de nous rejoindre dans Seyminhol comme claviériste.
Il avait un très bon niveau, les idées pour modifier complètement notre son et les mêmes envies que moi. C'est donc lui qui a donné cette première couleur symphonique à nos morceaux, cette impulsion salvatrice. Le MCD dont je parle a ouvert la porte à "Northern Recital" et c'est sur ce premier album que l'alchimie entre Nico et moi a commencé à fonctionner. Il a composé une grande partie du disque et a donné un son plus moderne et une identité différente au groupe. Ce qui a engendré des tensions avec nos deux guitaristes de toujours (Nico était lui-même guitariste et il avait des idées bien arrêtées sur le style à développer).
Bref, nous étions malgré tout gonflés à bloc, sûrs de bouger les lignes avec ce disque qui, avec le recul, a fait l'effet d'une bombe à sa sortie. Il faut dire que le thème développé, les Vikings, était très novateur en ce temps-là. Nous étions sûrement les premiers à proposer cette thématique dans le style avec un concept historique aussi fouillé.
Julien (batterie) : Tout cela est vieux, j'étais encore un jeune étudiant à l'époque. Il me semble que cela bougeait plus que maintenant. Il y avait encore plein de cafés-concerts où voir jouer des groupes régulièrement.

Seyminhol album


"Je savais qu'il fallait tout changer : visuel, logo, style vestimentaire, son, ambiance. Bref, entrer dans les années 2000."


Seyminhol affiche donc de nouvelles ambitions et s'ouvre de nouvelles perspectives ?
Kévin : Comme je te le disais plus haut les ambitions étaient fortes pour ce qui me concerne. Je savais qu'il fallait tout changer : visuel, logo, style vestimentaire, son, ambiance. Bref, entrer dans les années 2000. J'avais depuis longtemps des contacts avec Brennus, Musea et d'autres labels. Je sortais beaucoup en concert, je travaillais ma voix comme un dingue, j'avais calmé mon mode de vie déjanté pour donner le meilleur de moi-même mais les freins venaient des anciens membres du groupe. L'arrivée du synthétiseur et des orchestrations posaient problème même si avec le recul tout le monde s'accordait à dire que cela était extrêmement bénéfique pour l'avenir du groupe. Je pense que Seyminhol a connu une renaissance en 2002 grâce à "Northern Recital".
Julien : Pour moi, à seize ans, aller en studio pour enregistrer était incroyable. Une fois le disque fini, il était évident qu'il fallait achever l'histoire. Nous avions, de plus, fait la connaissance de Nicolas pour quelques nappes de synthé. Ces nouvelles possibilités d'orchestrations enthousiasmaient tout le monde.
Chris (Basse) : C'est à ce moment que nous avons réalisé que le groupe prenait un nouveau virage, nos ambitions ainsi que l'apport d'une maison de disque devaient nous y aider.
Kévin : Et, hormis une escapade risquée en terre "electro-trash" en 2009 (cf. Ov Asylum), Seyminhol a depuis ce disque toujours produit des morceaux épiques à tendance progressive et symphonique.
Nico (guitares, claviers) :  Moi je débarquais dans le groupe, au début pour faire les claviers, mais j'ai de suite entraperçu le potentiel et la belle ambiance qui régnait entre nous.


"On n'a même pas essayé de s'inscrire à la Sacem parce qu'on souhaitait éviter de sortir trop d'argent."


La nouvelle orientation musicale de Seyminhol génère du rififi au sein du groupe et même des départs...
Kévin :
Et donc voilà la suite "logique" du groupe, les nouveaux départs. Mais nous avions l'habitude de cela puisque, le groupe ayant été officiellement fondé en 1989 sous le nom de Spirith, il y a eu beaucoup de musiciens dans nos rangs dès les origines. En 2002, au départ  de Marco et d'Éric nous en étions par exemple à notre sixième batteur… Bref, je savais que la période qui allait s'ouvrir serait très compliquée.
Julien : En effet… Les vrais problèmes sont arrivés vers la moitié de la composition. Nous décidions d'inclure Nico dans la formation comme claviériste. Ce dernier étant également un talentueux guitariste, il apportait de bonnes idées. Les guitaristes ne virent pas cela d'un bon œil et leurs égos non plus. Seules la qualité et la musicalité nous importaient mais la jalousie a terni le tableau.
Chris :  La nouvelle orientation musicale suggérée par Nico a généré des tensions avec les membres originels. Il a pris les rennes des compositions avec notre approbation à Kévin et à moi-même.  

Ces désaccords entraînent un retard dans la sortie de l'album...
Kévin :
Alain Ricard m'a téléphoné en mars 2002 pour me dire que Marco et Éric nous attaquaient en justice. On s'est rencontrés au tribunal et nous avons dû établir un document officiel qui évoquait les droits des uns et des autres. C'était davantage pour la forme que pour le fond parce nous n'envisagions absolument rien en terme de vente. Les royalties que nous percevions à cette date étaient dérisoires. Pour tout dire, on n'a même pas essayé de s'inscrire à la Sacem parce qu'on souhaitait éviter de sortir trop d'argent au moment du pressage de nos disques. En effet, depuis le début de nos enregistrements tous nos albums avaient été payés par nos soins à l'exception de "Septentrion's Walk" (pris en charge par Brennus en coffret collector).
Nico :   Je pense avec le recul que ce retard nous a été très préjudiciable compte tenu du succès underground de «Nordic Tales» et des concerts que l'on a donnés sans pouvoir rien proposer. De plus les chroniques commençaient à sortir sans que nous ayons de quoi contenter nos auditeurs.

Pochette nordic talesSeyminhol, "Nordic Tales" (2001)

Du coup, quel line-up jouera sur Nothern Recital ?
Kévin :
En live, ce sera la formation avec Chris Billon-Laroute à la basse, il était avec moi dans le groupe depuis les débuts (même depuis la création en 1989 pour ce qui le concerne) ; Julien Truttmann, le petit nouveau à la batterie, qui a très vite trouvé sa place au sein de l'équipe ; Nicolas Pélissier au synthétiseur (il est devenu le compositeur attitré) ; moi au chant ; Régis Reinert (un ancien Seyminhol et le compositeur principal d'Indian Spirit) à la guitare. Il y avait aussi des potes sur scène, avec nous pour les chœurs, les voix rauques, etc. Bref, l'aventure pouvait commencer. Nos problèmes juridiques se réglaient progressivement, les dates de concerts se multipliaient et nous gagnions en notoriété à chaque nouvelle prestation.
Nico :  Voir ce fameux concert à Woippy (57) dans un très gros festival de metal plutôt typé «extrême» où je me suis senti obligé de quitter mes synthés pour densifier les guitares (bon, jouer «The final Countdown» était un pari osé ! ).


"Cet album nous a différencié du métal français de l'époque."


Vous décrochez un contrat chez Brennus. Nouveaux espoirs, nouvelles contraintes ?
Julien :
Nouveaux espoirs… trop peut être. Des contraintes pas vraiment. C'est un label très petit.
Kévin : Nouveaux espoirs, oui. Et puis je connaissais Alain Ricard depuis 1995 et notre premier MCD "Thunder in the Dark". Il avait trouvé cet essai très chouette et m'avait juré que si nous pondions un disque complet avec la même qualité il nous signerait. Et c'est donc ce qu'il a fait en 2001. Mais bien sûr, malgré des ventes conséquentes en France (plus de 3000 albums vendus), les retombées financières se sont avérées bien maigres. On touchait seulement quelques euros par album et, si tu fais le calcul, cela représentait moins de dix mille euros à partager en cinq. Avec l'investissement pour les enregistrements, les décors de scène et tout le reste, autant dire que cela était beaucoup trop peu pour s'offrir les services d'un producteur. Nous avons toujours payé pour faire avancer la machine.
Chris :  Surement plus d'espoirs que de contraintes...

Le contrat en poche, vous vous attelez à l'album. Passer de quelques EP à un concept-album historique c'est gonflé et totalement différent du Seyminhol de la décennie précédente...
Chris :
  Cet album nous a différencié du métal français de l'époque, nous donnant accès à de belles scènes et festivals. Il pose les fondations du «nouveau» Seyminhol.
Kévin : Oui, et en plus les morceaux du MCD ont été repris sur "Northern Recital" pour constituer le dernier chapitre de notre "œuvre". Ils avaient été composés par Éric et Marco en grande partie. Avec l'arrivée de Nico, le synthétiseur a boosté les premiers enregistrements mais l'évolution lors de l'écriture des deux autres chapitres du disque a été tellement phénoménale qu'il y avait un sérieux décalage. À tel point qu'il  a fallu réenregistrer les morceaux du  MCD pour qu'ils collent davantage à l'album complet, rechanter des parties, refaire des chœurs, des orchestrations, etc. Un boulot de titan avec un très petit budget. Heureusement, notre ami de toujours, Gilles Kauffmann, - un ingénieur du son rencontré au studio Linster à Luxembourg - était là pour nous aider. Et il n'a pas compté ses heures tout au long des phases d'enregistrement, de pré-mixage et de mastering. Il appréciait notre musique et donnait vraiment tout ce qu'il pouvait pour que nous puissions avoir un super résultat et le meilleur son possible. J'ai dû aussi m'atteler à la création d'une histoire plausible mais largement romancée, qui devait intervenir juste avant le fameux MCD "Nordic Tales". Je suis donc parti de l'attaque Viking sur le couvent de Lindisfarne en 793 et j'ai imaginé l'épopée d'un danois, Thorgis, cherchant à venger ses frères Saxons défaits par Charlemagne à Verden en 785. La suite de l'histoire a été un véritable casse-tête.
Julien : Je n'étais pas là pour le Seyminhol d'avant, mais pour en avoir écouté tous les albums c'est vrai que l'évolution est grande ! Pour l'anecdote : à mon arrivée dans le groupe, Chris m'a donné tous les vieux albums sauf un, "Thunder in the dark", plus disponible. Je l'ai trouvé au Cash Converter quelques années plus tard pour compléter ma collection.
Nico : En contextualisant cet album et surtout sa thématique, tu peux te rendre compte que seuls des groupes mondialement connus comme Amon Amarth (et souvent Scandinaves) traitaient du sujet, et encore de façon plus extrême que nous. Les ambiances, cette richesse historique était remarquable car elle a été produite sans gros moyens, à l'aide d'amis et de passionnés comme nous.


La suite sur Back to the roots : SEYMINHOL II, Nothern Recital (2002) - L'album, son accueil, sa place
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