Back to the roots : SEYMINHOL II, Northern Recital (2002) - L'album, son accueil, sa place

Le 10/02/2021

Dans une première partie d'interview, Seyminhol nous expliquait le contexte de la réalisation de l'album "Northern Recital" (2002). Dans cette suite, le groupe d'Algrange s'attache à l'album proprement dit et à son impact.

Seyminhol meilleur def


"Un volume sonore à ressusciter les Guerriers du Valhalla..."


Passionné d'histoire, Kevin s'est intéressé à l'expansion et à l'évangélisation du futur empire franc. Parce que c'est une thématique qui colle bien au Metal ?
Julien (batterie) :
La thématique des Vikings et de la guerre païens/chrétiens colle bien au métal. Kevin est aussi croyant et c'est sans doute tout cela qui l'a fait écrire sur ce sujet.
Nico (guitares, claviers) : Je pense surtout que cette thématique lui a toujours été propre. Je l'ai toujours entendu disserter de la civilisation Scandinave, de l'amalgame «sanguinaire» souvent propagé à tort à propos d'une culture avant tout marchande. Sa culture a fait le reste, surtout que, comme je le disais précédemment, peu de groupes mélangeaient à cette époque l'histoire (la culture) et la musique.

Kevin fait les textes, Nico la musique. Lequel s'adaptait à l'autre ?
Julien :
C'était vraiment un travail d'équipe. Kevin donnait le thème général et le contexte pour que Nico puisse commencer à composer. On affinait ensemble une fois les textes terminés.
Nico : Tout à fait. Kévin posait les bases écrites en détaillant le concept :  temps forts,  calmes, narrations... et je composais en conséquence. Ensuite tout était décortiqué et retravaillé en répétition, de façon à ce que chacun apporte sa contribution et surtout son avis.

Vous utilisez des instruments particuliers pour renforcer le côté "nordique" de cet opus...
Nico :
Pas mal d'instruments ont été martyrisés durant cet album (mais encore plus sur le suivant), des percussions, des instruments à cordes médiévaux...
Julien : Et nous avons fait jouer deux cornemuses sur certains titres. Un meilleur souvenir pour nous que pour l'ingé son…
Nico :  C'est clair ! Un volume sonore à ressusciter les Guerriers du Valhalla...

Instruments medievauxPhoto d'archive fournie par Seyminhol

Le perfectionnisme dont est empreint Northern Recital (cf. les bruitages ou le livret avec l'histoire en Anglais et en Français...) deviendra une marque de fabrique de Seyminhol. Le mieux n'est-il pas l'ennemi du bien ?
Kévin (chant) :
Non, il fallait montrer qu'un groupe français pouvait se hisser au niveau des grosses productions européennes et était en mesure d'aller taquiner les Allemands, les Italiens et les groupes anglo-saxons sur ce style. Nous voulions être estampillés groupe historique qui fait du travail sérieux. Et pour ça des cartes, une histoire, des faits explicités nous paraissaient essentiels.

Greg carte2 copieLa carte de Northern Recital.
Julien : Tout ceci faisait intégralement partie du processus de création. Nous voulions aller au bout de notre idée. Le seul coté négatif était le coût d'un tel objet. Tant pour la création que pour l'impression.
Nico :  Par la suite, on a suscité une réelle attente, musicale, mais également artistique. Celle-ci nous a mené au superbe Digipack proposé sur «Septentrion's Walk».

L'artwork est réalisé sur vos indications ?
Kévin :
Bien entendu. C'est Greg Lé, un ami graphiste, qui réalisait toutes nos pochettes de l'époque. Il avait lui aussi cet amour de l'heroic fantasy, des films épiques comme Conan le Barbare, Braveheart ou le Seigneur des Anneaux (nous étions en plein dedans) et il a largement contribué à façonner l'imagerie du groupe. Nous avions des backdrops dessinés par lui sur scène, des boucliers vikings en décoration près des amplis et un style bien adapté à notre musique. Nous ne laissions vraiment rien au hasard.
Julien : C'est surtout Kevin qui a veillé à ce que tout colle bien aux légendes Nordiques. Pour le rendu général nous sommes vite tombés d'accord tant le travail de Greg était bon.


"Il y a une fougue, une envie et beaucoup de potentiel d'une manière générale sur cet opus."


Quelles sont les qualités et quels sont les défauts de Nordic Tales ?
Kévin :
A mon sens, il y a très peu de défauts sur ce disque, excepté peut-être le son. Il y a une différence entre les deux premiers chapitres et la dernière partie issue de "Nordic Tales". Cela est dû au style des différents guitaristes qui ont interprétés les titres et aux orchestrations plus poussées lors de la composition des nouvelles parties de "Northern".
Julien :  Difficile d'être objectif… mais je pense qu'une des qualités est l'ambiance générale, on peut vraiment s'immerger dans l'album. La production aurait mérité plus de moyens pour être aux standards internationaux de l'époque, bien qu'il s'agisse d'un sacré tour de main pour un si petit studio !
Kévin : Pourtant il y a une fougue, une envie et beaucoup de potentiel d'une manière générale sur cet opus. Mon chant est très différent de tout ce que j'avais pu faire par le passé. Je fais des chœurs, des narrations et j'utilise vraiment pour la première fois toute la tessiture de ma voix.
D'un point de vue de l'histoire également, on est vraiment sur un concept très novateur. Ce sera la marque de fabrique de Seyminhol.
Nico : Peu de défauts, c'est un album frais, original avec de superbes moments. Effectivement, le son aurait pu être meilleur avec un budget bien plus conséquent...


"Je croyais dur comme fer que cette fois-ci c'était la bonne."


Il vous permet d'ouvrir pour Royal Hunt, Blaze Bailey, Virgin Steel, Clawfinger... Seyminhol entre dans une nouvelle dimension ?
Kévin :
Mon rêve devenait réalité. On côtoyait certains de nos groupes favoris, les gros magazines et les fans étaient au rendez-vous et très nombreux à nous suivre. On participait à des festivals et des contacts sérieux nous laissaient présager le meilleur pour la suite. Je croyais dur comme fer que cette fois-ci c'était la bonne et que nous allions y arriver.  Pourtant, des arnaques, des promesses non tenues (contrat avec NTS qui n'a pas abouti et qui aurait permis au groupe d'être mieux diffusé en Europe) et un manque d'argent ont contribué à nous faire redescendre rapidement de notre nuage. Le retour à la réalité a été très difficile.  Ce qui explique la durée de réalisation entre "Northern Recital" et "Septentrion's Walk", là où nous aurions dû sortir un nouvel album dans la foulée pour profiter des exceptionnels retours reçus sur "Northern".
Julien : Toutes ces opportunités nous ont appris énormément. On se «professionnalise» en jouant sur de belles scènes. C'est ici qu'on voit la limite de notre label. Nous avons dû le plus souvent trouver les dates nous mêmes grâce à un réseau local.
Nico :  On voit nos tronches dans des mag nationaux, voire internationaux, sur des samplers, dans la rubrique des meilleurs espoirs. Là tu te dis vraiment que tu as bossé dur pour quelque chose.

Quel était l'accueil critique de l'album ?
Kévin :
Colossal dans de nombreux pays européens. Certains magazines pensaient que nous étions signés par un gros label et que nous vivions de notre musique. Or, nous étions tous étudiants, salariés ou en passe de le devenir. Des discussions avec des groupes étrangers ont aussi contribué à nous ouvrir les yeux sur le monde du business et de la musique. Certains groupes que nous pensions pro ne gagnaient pas assez d'argent pour vivre. Ils étaient obligés de donner des cours de musique, de travailler à côté dans des bars ou sur des projets qui étaient à des années lumières de leur quotidien musical. Bref, il y a peu d'élus et encore moins lorsque l'on est français. Mais en 2002-2005, il y a avait malgré tout encore des possibilités et de l'espoir.
Julien : A l'époque l'essentiel se faisait dans la presse papier, et c'était dingue de voir l'album dans des magazines internationaux.
Nico :  Si on compare à l'époque actuelle, on peut vraiment se dire que l'album a bien circulé et voyagé (et surtout sans mettre la main à la poche, chose ultra courante aujourd'hui...). Hormis les quelques défauts de «jeunesse» les médias ont reconnu cette originalité et ce mélange heureux entre histoire et musique.


"Après cet album, notre vision de la musique a complètement changé."


Quid de l'accueil public ? On dit qu'il s'écoulera à plus de 12500 exemplaires mais que vous abandonnez les droits pour la Russie pour un cachet de... cinq cents dollars !
Kévin :
Le public était présent à tous nos concerts. Je me souviens de soirées mémorables, avec des séances d'autographes à n'en plus finir. Des séances photos, des demandes d'interviews en rafale. Bref… Une autre époque.  Pour les arnaques dont je parlais, le plan avec un label russe a été la cerise sur le gâteau. On a cédé nos droits pour cinq cents dollars, en effet, et l'album s'est écoulé dans les Pays Baltes, en Russie et jusqu'en Finlande, à plus de 12500 exemplaires. Une anecdote réelle à ce sujet m'a été comptée par notre ancien guitariste, Éric, qui n'était plus dans le groupe en 2003. Il travaillait pour Goodyear au Luxembourg et se trouvait régulièrement en déplacement en Europe dans le cadre de ses activités. Un jour, alors qu'il travaillait en Finlande, autant dire dans le trou ….. du monde, il s'est trouvé dans un bar dont le jukebox passait notre album. Un pur délire…
Julien : Les gens étaient très enthousiastes aux concerts. Pour le reste, à l'époque, j'étais une jeune recrue et je ne m'occupais pas de cela.
Nico : On a conclu ce deal afin de propager au maximum notre musique, afin de pouvoir plaire à un label étranger. L'argent de nous semblait pas (à l'époque) si dérisoire que ça. En fait , le souci est que l'on ne savait pas avec exactitude combien de CDs se vendraient en Russie. On était loin de la vérité.

"Northern Recital" me semble la pierre angulaire de la carrière de Seyminhol. Il orientera toute la suite de son parcours. Et pour vous, quelle est sa place dans la carrière de Seyminhol ?
Kévin :
Sa place est fondamentale dans l'histoire de Seyminhol. Il nous a fait grandir musicalement et, après cet album, notre vision de la musique a complètement changé. C'est l'album dont je suis le plus fier avec "The Wayward Son" paru en 2015.  Deux disques épiques, très symphoniques, avec une histoire forte. J'en suis fier parce qu'ils sont très originaux et un peu expérimentaux finalement dans leur forme. "Ophelians fields" est aussi un très bon album mais il est plus progressif, plus difficile d'accès. Susceptible de diviser.
Julien : Cet album est très important dans ma vie de musicien. C'est mon premier enregistrement, mes premières vraies scènes. Dans la carrière du groupe il marquera le passage du heavy metal au metal symphonique.
Chris (basse) : Tout à fait : la naissance du «nouveau» Seyminhol.
Nico :  A titre personnel, c'est l'album qui m'a permis de prendre conscience que j'étais capable de composer un album complet et varié et d'y mettre mes tripes.


"Je ne sais pas s'il y aura un jour un nouvel album. Est-ce d'ailleurs attendu ? "


Conseilleriez-vous cet album pour découvrir l'univers de Seyminhol ?
Chris : 
Comme bande son d'une série à succès sur les Vikings par exemple...
Kévin : Absolument, bien que je conseillerais davantage "The Wayward Son" parce qu'il est plus homogène, plus abouti, et qu'il réunit tout ce que nous savons faire de plus dramatique dans le symphonique. "Wayward" est plus gothique, symphonique, là ou "Northern Recital" incarne le power metal epique fortement empreint de rythmiques heavy metal traditionnelles.
Pour moi "The Wayward Son" est plus moderne, alors que " Northern Recital " est à la fois moderne pour son époque et pleinement enraciné dans une tradition inspirée par la NWOBHM. Le travail énorme fait sur les orchestrations et l'ajout de synthétiseurs ont donné à "Northern Recital" les caractéristiques d'un album novateur, par rapport au heavy traditionnel, mais il reste malgré tout ancré dans un style déjà pratiqué par Manowar ou Virgin Steele à la fin des eighties.
Julien : J'adore cet album mais je conseillerais peut-être le suivant, "Septentrion's Walk". La production  est meilleure et l'album plus homogène grâce à un line-up stable.
Nico :  Pour découvrir notre univers tout à fait. Après, je rejoins Kévin quant à la maturité et l'homogénéité de «The Wayward Son», album produit à 100% par le groupe contre vents et marées...

Seyminhol waywardSeyminhol, "The Wayward Son" (2015)

Seyminhol a mis un terme à sa carrière l'année dernière. Que faites-vous maintenant ?
Kévin :
Personnellement, je ne fais plus grand chose. J'ai un projet en sommeil avec Symakya mais il sera difficile d'enregistrer cet album rapidement bien qu'il soit terminé (concept et compositions). J'ai arrêté Seyminhol par manque de temps mais aussi par lassitude. Je ne me reconnais plus dans la société actuelle. Elle est éphémère, inintéressante, quasi millénariste. Et donc je n'accroche pas non plus à la scène musicale émergeante. Il n'y a plus de groupes capables de me faire vibrer. J'écoute donc d'autres styles de musique. Pour Seyminhol, je ne sais pas. Je ne souhaite plus faire de concerts et Nico aime la scène, donc c'est très compliqué. Un véritable dilemme. Je ne sais pas s'il y aura un jour un nouvel album. Est-ce d'ailleurs attendu ? Je n'en suis pas sûr… Vanité tout est vanité… Peut-être la conclusion à toute cette aventure humaine.
Julien : J'avais déjà quitté Seyminhol avant la fin du groupe. J'ai monté un nouveau projet, We Are Electric,  et nous venons de sortir notre premier album «Nipples Erection».
Nico : Une nouvelle aventure est en route avec Chris. Un groupe de Hard Rock chanté en Français,  Antechaos,  dont nous espérons sortir un album courant 2021,  avec beaucoup d'ambition.
Merci en tout cas pour cette interview et pour l'intérêt que tu portes à cet album et à l'histoire de notre groupe. On espère te croiser bientôt et sortir de ce merdier  au plus vite !
Merci Seyminhol d'avoir bien voulu m'accorder cette interview.


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