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Prog, Avant-garde

NI (rock in opposition), Fol Naïs (01/12/2023)
Le 29/11/2023
Ni sait mettre de la mélodie où l'on n'imagine pas qu'elle puisse pousser !
Par Ahasverus.
Après le superbe « Pantophobie » qui déclinait en neuf pistes quelques peurs irraisonnées dans un album qui tenait autant de l'avant-garde que de Devin Townsend ou de Dream Theater, Ni revient secouer le cocotier du rock français avec un troisième album intitulé « Fol Naïs ».
Fol naïs, c'est le bouffon, et plus précisément, puisqu'il en existe deux sortes, le bouffon naturel, celui dont la folie pouvait distraire le roi, mais dont il convenait de ne pas se moquer.
Comme il donnait à chaque piste de son précédent album le nom d'une phobie, Ni conceptualise à nouveau son propos en baptisant chacune des pistes de Fol Naïs du nom d'un bouffon ayant marqué l'histoire ou notre culture, tels Dagonet, bouffon du roi Arthur, Brusquet et Triboulet, qui servirent François Ier, ou Catherine, dite Cathelot, qui fut à la cour de Marguerite de Savoie...
Fol Naïs, un terme qui peut parfaitement s'appliquer par extension à Ni dont la musique n'emprunte pas les voies communes.
Après le sombre « Pantophobie », le groupe de Bourg-en-Bresse souhaitait renouer avec des rythmes plus rapides. Le résultat n'en est pas léger pour autant. Ni a surtout voulu ne pas répéter le même album, mais il n'a pas changé sa nature profonde.
Continuant ses explorations, il évolue en terrain accidenté, gardant la maîtrise et brossant ses pièces sous les secousses. Monté sur une structure métallique, chaos et anarchie ne sont qu'apparence dans la musique de Ni, car tout est contrôlé, même s'il arrive à l'hypnotique « Chicot » de mettre les doigts dans la prise. « Rigoletto » vous saisit par son tempo et vous happe dans ses tourbillons hurlants sans cependant vous perdre. Car tout avant-gardiste qu'il soit, Ni sait mettre de la mélodie où l'on n'imagine pas qu'elle puisse pousser ! Et des titres comme « Berdic », « Rigoletto » ou « Triboulet » deviennent d'accessibles passeports pour l'avant garde.
Ainsi Ni propose à nouveau un album remarquable et profondément séduisant, un animal sauvage et nerveux qui peut se cabrer à la moindre note et qu'il vous appartiendra d'apprivoiser. Jouant des figures de style comme il a joué avec nos sens, il conclut son opus en épanadiplose, reprenant en conclusion la figure musicale qui ouvrait son album.
« Fol Naïs » a été enregistré au Hacienda Studio par Stéphane Piot. Il a été mixé et masterisé par R3myboy.
« Fol Naïs » est une sortie Dur & Doux. Il est disponible le 01/12/2023.

ULTRA ZOOK (avant-garde), Auvergnification (05/05/2023)
Le 09/09/2023
Un moment de plaisir partagé au centre d'un univers absurde échafaudé comme un château de cartes.
Par Ahasverus
Après « Epuz » (2012), « » Epuzz » (2013), « Epuzzz » (2014) puis après « L'Album » (2019), Ultra Zook revient avec un nouveau long format intitulé « Auvergnification ».
Ultra Zook, c'est Benjamin Bardiaux, Rémi Faraut et Emmanuel Siachoua, un trio clavier/basse/batterie qui se retrouve autour de musiques déconstruites et de textes improbables à propos d'un type qui passe l'aspirateur (« L'Aspi ») ou d'un automobiliste qui cherche la bonne sortie sur l'autoroute A75 (« Oui Ben Oui Mais Non »).
De l'aveu même du groupe, le titre, « Auvergnification » est un « clin d’œil à leurs confrères transatlantiquéens de Red Hot Chili Peppers, rencontrés brièvement en rêve il y a une dizaine d’années par l’un des membres d’Ultra Zook, celui qui tente depuis quelques temps de se démarquer et de faire croire qu’il a de la personnalité en laissant pousser ses cheveux sur sa nuque en visant le mulet. Il y a une chanson sur cet album qui s’appelle justement Rêve avec les Red Hots, que Mattt Konture – qui a dessiné la pochette, merci un million de fois - a transcrit dans un anglais parfait au recto par Red Hot Dream. Les bilingues sauront s’y retrouver. »
Pour que la fête soit complète, Ultra Zook a invité François Arbon à donner du saxo sur « J'ai L'impression Qu'c'est Plus Ca » et à jouer du trombone sur « Georges Gallamus », tandis que Flo Borojevic pose ses percussions sur « L'Aspi ». Blanche et Ilya Faraut font les choeurs sur « Salut ! » et le taulier Johnny Hallyday se fend d'un « Merci beaucoup » sur « Rêve Avec les Red Hots ».
Comme à son habitude, Ultra Zook enchaîne les musiques débridées et les textes incongrus. L'ensemble est manié avec drôlerie et nous immerge dans un moment de plaisir partagé à savourer depuis le centre d'un univers absurde échafaudé comme un château de cartes.
« Auvergnification » se termine par une piste instrumentale. Il a été enregistré et mixé en 2021 par Emmanuel Siachoua, puis masterisé en 2022 par Théophane Bertuit à Polyphone Records.

GODSTICKS (métal progressif), This is What a Winner Looks Like (26/05/2023)
Le 16/08/2023
S'éloignant du jazz fusion des débuts, Godsticks a refusé la redite, cuisinant son prog' sur une recette plus directe, privilégiant l'efficacité sans rogner la technique pour marquer les mémoires.
GODSTICKS par Eleanor Jane
Par Ahasverus
Godsticks est un groupe de rock progressif britannique basé à Newport, au Pays de Galles, où il prend naissance en 2006.
Après un EP éponyme, il signe « Spiral Vendetta », un premier album progressif qui soigne les harmonies vocales et qui pose les bases d'une musique technique et virevoltante, utilisant largement la fusion et dispersant principalement des éléments jazz sur son tamis métallique. Riche et exigeant, il lui permet de se distinguer dès 2010.
En 2013 « The Envisage Conundrum » passe à l'offensive. L'aspect fusionnel est mis au second plan. L'agressivité des riffs, la nervosité des guitares même en cordes claires ainsi que le positionnement basse/batterie en font un opus plus métallique que le premier album. Il se permet cependant un interlude au piano et une fin toute en douceur.
Godsticks revient deux ans plus tard avec « Emergence » qui nous cueille par des riffs sombres, parfois hypnotiques, j'oserais dire à la limite du doom. Egalement vif, toujours soigné, l'album est technique et heavy, prenant le temps d'une pause en son centre pour mieux repartir.
« Faced With Rage » (2017) appuie toujours sur ce côté dark prog et démarre sur un morceau d'une magnifique complexité. Capable de développer force et finesse, il est traversé d'éclairs lumineux, et c'est un album à ne pas négliger pour découvrir le groupe.
« Inescapable » (2020) est plus modéré, progressif plutôt qu'agressif, peut-être au risque de se perdre avant la fin malgré quelques belles pièces.
Passé la pause COVID, Godsticks revient avec un sixième album studio, « This Is What a Winner Looks Like ».
« If I Don't Take It All », le titre d'ouverture, a un côté catchy prometteur. Godsticks recherche moins l'imprévu, privilégiant les mélodies mémorables. Les compositions occupent maintenant des formats standards de trois à quatre minutes, deux seulement dépassant la barre des cinq minutes. On obtient ainsi un ensemble homogène cependant qu'on s'éloigne des structures complexes qui ont jalonné l'histoire du groupe. C'est assez heureux car le savoir-faire des Gallois permet de conjuguer la technique et la mélodie tout en mettant du liant dans des compositions d'apparence moins techniques que leurs aînées, loin en tous cas du jazz fusion des débuts. Puissant, métallique et parfaitement produit, le nouvel album est compact et homogène, plus cohérent que le bégayant « Inescapable ». Il pourrait attirer de nouveaux fans dans ses filets par son instantanéité, tandis que les addicts aux musiques complexes tenteront de se consoler sur les quelques passages alambiqués (« Throne », « Mayhem », « Wake up ») ou retourneront à « Faced With Rage », car cette nouvelle livraison de Godsticks a refusé la redite, cuisinant son prog' sur une recette plus directe, privilégiant l'efficacité — sans cependant rogner la technique — pour marquer les mémoires.

YES (rock progressif), Mirror To The Sky (19/05/2023)
Le 15/08/2023
Le seul tort de la formation britannique est probablement d'être devenue une institution, chacun projetant ses fantasmes sur son prochain album. Mais vous, êtes-vous YES OR NO ?
Par Ahasverus
Le pionnier du rock progressif anglais, Yes sortait ses premiers opus en 1969. Il a proposé en mai 2023 son vingt-troisième album, « Mirror To The Sky ».
C'est un album particulièrement clivant, il est même rare de voir des avis aussi tranchés chez les chroniqueurs ! Aussi m'a-t-il semblé intéressant de vous présenter un florilège des critiques de cette sortie. Parce qu'elles valent souvent le temps qu'il faut pour les lire, je vous propose également le lien qui vous permettra de les retrouver dans leur intégralité.
Ainsi, côté déçus, Prog Critique estime que l'album est « bancal », et que ses morceaux sont « souvent sans profondeur » (https://progcritique.com/yes-mirror-to-the-sky/).
Plus modéré, Rolling Stone se demande s'il « ne manque pas l’acteur principal qui a pour nom Jon Anderson. » En effet, le line-up de Yes ne compte plus pour membre historique que Steve Howe. Néanmoins, comme le souligne Wikipedia, Yes a justement cette particularité « de ne jamais avoir enregistré plus de deux albums studio consécutifs avec la même formation » ! (https://www.rollingstone.fr/yes-mirror-to-the-sky/)
Acides, Les Eternels n'y vont pas avec le dos de la cuillère : ils recommandent l'album « aux organisateurs des soirées belote de l’association des retraités de Verveine-Sur-Ennui. », moquant l'imitation diaphane que Jon Davison ferait de son prédécesseur Jon Anderson. (https://www.leseternels.net/chronique.aspx)
Enfin, PAN M 360 estime qu'il est temps de dire « non à Yes », assurant que le groupe « ne fait que ternir son nom à chaque nouvelle sortie. » (https://panm360.com/records/yes-mirror-to-the-sky/)
Et les remarques condamnent jusqu'à l'artwork de Roger Dean, « pas formidablement inspiré » selon le Webzine Albumrock. (https://www.albumrock.net/album-yes-mirror-to-the-sky-12830.html)
De quoi se pendre avec les cordes de sa guitare !
Heureusement des chroniques du même album affichent un avis diamétralement opposé.
C'est le cas de RockMeeting, qui, en compagnie de Yes, a fait un « beau voyage dans le monde du Rock Progressif ». (http://rockmeeting.com/news/13472-yes-mirror-to-the-sky-nouvel-album-all-connected-video)
profilprog.com Web & Radio le confirme : il s'agit d'un « bien bel album ». (https://www.profilprog.com/reviews2023/yes-%282%29/mirror-to-the-sky)
Pour Amarok Magazine : musique & cinéma, « Mirror To The Sky » est « empreint d’une grande sérénité et d’une belle dynamique » (https://www.amarok-mag.com/yes-mirror-to-the-sky/), tandis que Guitar Part Magazine assure que « Yes n’avait jamais été aussi bon depuis une bonne trentaine d’années ». (https://www.guitarpart.fr/articles/yes-mirror-to-the-sky-inside-out-music)
C'est aussi l'avis de Meilleurs Albums, qui estime que le groupe britannique est « revenu à son âge d’or ». (https://meilleurs-albums.com/nouvel-album-de-yes-en-2023-mirror-to-the-sky/)
Le seul avis tiède, et c'est amusant au regard du titre du zine, est émis par Clair & Obscur, qui trouve ce nouvel album « largement écoutable ». (http://clairetobscur.fr/yes-mirror-to-the-sky/)
Pour moi, enfin, « Mirror To The Sky » est un excellent opus de rock progressif, pleinement dans la tradition de Yes, pochette comprise. La musique reste d'un niveau exceptionnel : le chant de Jon Davison, très pur, les harmonies vocales placées parfaitement, la basse cinglante (« Cut From The Stars »), les guitares qui répliquent aux claviers dans un tout harmonieux (« Unknow Place »), l'utilisation d'un orchestre qui donne du champ aux compositions (« Mirror To The Sky »), les soli et les gimmicks merveilleux (« Unknow Place »), tout prouve que le savoir-faire de Yes reste présent, avec des morceaux de neuf ou quatorze minutes jamais lassants. Le seul tort de la formation britannique est probablement d'être devenue une institution, chacun projetant ses fantasmes sur son prochain album. Le line-up actuel de Yes porte un lourd héritage, mais soyons honnête : « Mirror To The Sky » est savoureux à l'écoute. Mais vous, serez-vous YES or NO ? Le mieux reste d'y goûter par vous-mêmes !

Les Inestimables d'Ahasverus : ACHING BEAUTY, L'Ultima Ora (2004)
Le 23/10/2022
Un album touché par une grâce évidente, et finalement chef d'oeuvre.
Encore un premier album dans les Inestimables. Si j'en parle, c'est qu'il a lui aussi ce ton qu'on ne retrouve pas ailleurs, qui fait que j'y reviens fidèlement depuis sa sortie, en 2004. Il paraissait alors chez Brennus.
Son point d'orgue tient sur une note : « Pairsonality ». Minute précise 7:45.
Mais pourquoi commencer par la fin ?
On reprend pour les retardataires...
Aching Beauty, groupe de métal progressif. Il se forme en 1997.
EP d'abord. Puis Album.
« L'Ultima Ora »
Passons sur l'artwork, son flou un peu dispensable autour du visage. Il a fait le job, retenu l'attention alors.
Production excellente. C'est perceptible dès les premières secondes. De magnifiques arpèges soulignés par un clavier. Piano, flûte. Glissent rapidement sur « Sublimation - Peter Pan Syndrome ». Escalade « Sublimation - Steps » et ses guitares puissantes.
La voix présente une certaine fragilité, un vibrato qui la caractérise agréablement.
Excellence du refrain, volubilité du clavier, virtuosité de la guitare.
Absolument magnifique ce « Sublimation - Steps ».
Il sonne terriblement, même aujourd'hui.
Le calme revient avec « Sublimation - Endlessly ». Je crois reconnaître un violoncelle.
« Pairsonality ». Mon morceau favori. Batterie solo. Basse percutante. Guitares heavy. Clavier enfin. Tout est paré pour porter la voix qui tarde à venir. Ca s'emballe et tourbillonne. Le chant vient mettre de l'ordre après plus d'une minute trente de musique. Il explore les basses, monte. Vibrato. Structure agitée. Refrain.
« Looking for a goal, searching for an idol »
Très beaux choeurs (au clavier je suppose).
Le thème se répète, invente des variations.
« Finally found my god, followed my idol »
Décline.
« Finally lost my god, destroyed my idol /Needed a man to transfigure me/He could be my guide, provide me strength and pride »
Jusqu'à l'envolée finale :
« Now that I’ve killed him… »
Cette note, la voix va la chercher et la tenir dans les aigus. C'est juste incroyable.Tout l'album s'articule autour. On est au sommet de l'oeuvre.
La descente se fait par une pente douce très agréable : « Glittering Images ». Les voix s'enchevêtrent. Les riffs reprennent le pouvoir sur la fin et « The Hundredth Name » nous ramène sur des terres chères à Dream Theater.
Calme et arpèges pour « Soul's Wrinkles ». La voix effleure les cordes avec son vibrato. Puis elle part en fausset. Le morceau reste léger, à peine écorné par la basse qui cherche à claquer.
Prog Metal encore pour « Shatter The Shell », première des quatre parties du titre « L'Ultima Ora » qui conclut l'album. Guitare très technique, riffs solides. Puis « Lost », morceau à la construction inattendue qui ne rentre dans le rang qu'à sa fin. La guitare lui règlera son compte avec « Aching Awakening », pièce instrumentale d'une grande richesse.
L'album trouvera sa conclusion en beauté avec « Masked Life », qui contient tous les ingrédients qui l'ont édifié. Fond prog' metal, riffs puissants, voix délicates, dialogues claviers/guitares, touches folk. Le morceau s'étire sur sa fin, comme pour récupérer après l'effort.
Aching Beauty, talentueux. Tellement prometteur dans ce registre. Les Parisiens se tourneront pourtant vers le rock indé et le chant en Français dès après « L'Ultima Ora ». Ces mecs avaient un beau bagage musical, et un chant d'une grande subtilité. Ils laissent au prog' cet album touché par une grâce évidente, et finalement chef d'oeuvre. Auraient-ils pu mieux faire ? Qu'auraient-ils pu ajouter après cette note ultime décrochée à 7:45 de « Pairsonality » ?