Un instantané punk-rock frais comme un Ramones.
Par Ahasverus Rumkicks est un groupe de punk rock qui a pris naissance en Corée du Sud aux alentours de 2019.
Les Séoulites ont construit leur succès à l'aide de singles et d'un EP (« Brutality », 2020) mais aussi d'une image, et c'est cette alchimie globale a permis au trio de se faire remarquer et d'exporter leur musique à l'international.
L'ascension ne s'est pas faite dans la facilité si l'on en croit ce que le groupe expliquait au magazine Devilution dans une interview de 2022 : « La Corée est un pays très conservateur qui ne vous permet pas de vous teindre les cheveux. Yeawon (NDLR : chant/guitare) porte une perruque quand elle va au travail, une perruque noire. Ici, au Royaume-Uni, il existe de nombreux tatouages. C'est illégal en Corée. »
L'engouement du public est désormais acté et il a permis à Yeawon et à son gang de partager la scène avec des formations aussi réputées que Bad Religion et The Exploited.
En juin 2023 Rumkicks revenait avec un album intitulé « Born Rude ». La création de « Born Rude » s'est faite sous pression :
« Normalement, nous écrivons une chanson lorsque nous avons une idée, expliquait le groupe à Devilution Magazine. Mais cette fois, nous avions une date limite pour l’album donc nous avons dû écrire de nouvelles chansons le plus vite possible. C’était une période assez difficile pour nous car rien ne nous venait à l’esprit. » RUMKICKS par Nagoya
Pourtant les treize compositions signées Yeawon, dont nombre, déjà sorties en singles, ont été réenregistrées pour cet album, sonnent juste.
Côté lyrics (en Coréen ou en Anglais) la frontwoman a puisé dans les expériences personnelles du groupe. Ainsi « Don't Touch My Head » naît d'une anecdote de tournée, tandis que l'une des filles après un concert voyait un homme ivre tenter de toucher ses cheveux sous la douche. « Punk Is Nowhere », autre exemple, est une réponse à des attaques de haters reçues sur les réseaux sociaux.
Allant à l'essentiel, la formation coréenne délivre en trente minutes des chansons dont l'efficacité n'a d'égale que la simplicité, à l'instar des « Drinking Everyday » et « Rude Girl Oï » qui ouvrent l'album.
Les mélodies dégagent fluidité et énergie et doivent plus aux Ramones (« Punk Rocker », « Goodbye Song », « Punk Is Nowhere ») qu'à la pop punk cependant présente (« I Don't Wanna Die »).
Qu'on ne se méprenne pas : parler de simplicité à propos des titres alignés sur ce « Born Rude » n'a rien de péjoratif. A grands coups de « Oï » et de répétitions rythmiques, Yeawon développe un talent de hit maker certain et permet aux Coréennes de réaliser un instantané punk-rock frais comme un Ramones. C'est une pleine réussite qui ne connaît aucune perte et qui contribuera à parfaire la fanbase déjà conséquente des Rumkicks.
« Aucun des neuf morceaux présents sur cette galette ne veut relâcher la pression et arriver dernier. »
Par Ahasverus
Qinhgdao est une ville côtière de l'Est de la Chine réputée pour... sa bière ! Le groupe de punk-rock chinois Dummy Toys ne pouvait donc trouver meilleur endroit pour se développer au pays du Milieu.
Dummy Toys est un quatuor féminin. En 2020 il propose un premier album au titre clair :« Not A Puppet ». Les filles n'ont pas l'intention de faire tapisserie et elles balancent douze titres d'un punk-rock ramassé avec des morceaux courts pouvant se montrer extrêmement nerveux (« Adespota Thing »). Loin de se crisper sur son rocher, Dummy Toys tente même une approche originale avec une rythmique ragga sur le morceau « Anti Sweet Girl ».
L'ouverture rappelle The Clash. Par ce trait et par d'autres propositions, « Not A Puppet » n'est pas sans présenter quelques similitudes avec la discographie de la formation britannique (« City Of Dead » ), tandis qu'un titre comme « DMC Baby » nous ramène plutôt aux débuts de Blondie.
On trouve donc beaucoup de qualités dans le matériel des Dummy Toys, avec un premier long format particulièrement respectable qui peut aussi présenterun visage hardcore (« Flying Young Girl », « Mentally Deficient »).
C'est sur ce côté hardcore qu'appuie Dummy Toys quand il sort son second album, « War Is Nightmare », le 07/06/2023. « Peu importe que la mélodie ne sonne pas bien aux oreilles du grand public ou ne lui plaise pas assez, nous voulons simplement faire entendre notre musique fort sans avoir à en expliquer le sens », peut on lire sur le Bandcamp du groupe.
Avec des titres extrêmement vifs, le gang chinois ne peine pas pour faire entendre ses intonations à la Slayer ou à la Death Angel (« Stop Your Control », « Wake Up »).
Les nouvelles compositions sont faites d'une écriture très serrée, avoisinant généralement les deux minutes, et pas une piste ne passe au dessus des 03:18. Il semble qu'aucun des neuf morceaux présents sur cette galette ne veuille relâcher la pression et arriver dernier.
Dummy Toys réussit ainsi un album de punk furieusement efficace et hardcore (« Network Mob »), avec des slogans marquants (Do not forget / Do not forgive — Disaster). D'ailleurs le groupe assure : « Même si nous savons qu'il n'y a pas grand chose à changer, nous voulons quand même rester toujours éveillés. ».
« War Is Nightmare » est donc un album qui dépote, un concentré d'énergie punk beaucoup plus choquant que son prédécesseur, et la puissance dégagée par le songwriting force le respect. Ces ving-trois minutes suffisent clairement à Dummy Toys pour enclencher la vitesse supérieure. De même, elles suffiront à vous botter le cul. Une recommandation cependant : le son des plateformes de streaming peut présenter des faiblesses. Nous vous conseillons de privilégier l'écoute sur Bandcamp qui proposera une bien meilleure qualité : https://dummytoyspunk.bandcamp.com/album/war-is-nightmare
« Les peuples slaves sont nés avec la musique, elle les accompagne dans tout ce qu'ils font. » En mars 2023 sortait « Je suis Lerka-Jo », un EP au gros son prometteur qui nous interpellait, écartelé entre des textes graves et des chansons festives construites à gros riffs autour de la bouillonnante Lerka.
Nous avons eu envie d'en savoir plus sur l'opus et sur le projet. Lerka a répondu à nos questions. Interview réalisée par Ahasverus par mail et par téléphone entre octobre et novembre 2023.
Ahasverus : Bonjour Lerka. Pour commencer, d'où vient ce nom de Lerka-Jo ? Lerka : Lerka c'est le nom qu'on me donnait quand j'étais enfant. Ca qualifie une personne qui fait des bêtises. Jo, c'est un nom que j'avais dans mon voisinage, un ajoût que j'ai trouvé sympa à utiliser quand j'avais douze ans. Cette sonorité américaine, je trouve que ça fait plus joli.
Ahasverus : Faute de mieux, j'ai qualifié votre musique de punk fusion. Ca vous correspond ? Lerka : Et bien le destin, comme on dit, le mélange des cultures, d’expériences diverses, ont créé notre style qui fusionne tous les genres musicaux. L’esprit de subversion personnelle, en tous cas, y est !
Ahasverus : Quels sont les artistes qui vous ont influencés ? Lerka : Adolescente en Ukraine, des artistes comme Kuz’ma Skryabin, Valentin Strikalo, le groupe T.a.T.U, Noize MC, m’ont fait une belle compagnie, je les écoute toujours d’ailleurs ! En ce moment je passe également beaucoup de Kanye West. Enfin, Oxxxymiron, le rappeur russe, m'inspire énormément. Je préfère le rap russe au rap US, je le trouve plus... intellectuel ! Les rappeurs russes glissent pourtant aussi beaucoup de gros mots dans leurs chansons, mais les gros mots, en Russie, font partie inhérente de la langue !
« Je ne pensais pas pouvoir écouter de Metal jusqu'à ce qu'il me traîne à un concert de punk où je me suis dit « Cette énergie, c'est ça en fait ! C'est cette musique que je veux faire ! »
Ahasverus : Quel parcours vous a conduit à Lerka-Jo ? Lerka : J'ai toujours baigné dans la musique. J'ai toujours connu mon père jouant de la guitare. Il n'était pas une journée sans qu'il ne joue un ou deux morceaux. Ma mère chantait aussi... Les peuples slaves sont nés avec la musique, elle les accompagne dans tout ce qu'ils font. J'ai été sur scène toute petite, la première fois à cinq ans pour jouer le rôle d'un ange. Puis pour chanter dans une première chorale, puis pour suivre des cours de pianoforte durant sept ans — mes soeurs et moi on jouait toutes du piano... Je ne voulais pas y aller au départ. Je pleurais. Ma mère disait que ça me servirait. Elle avait raison...
J'ai aussi participé à des compétitions de chant en Crimée, mais je n'ai jamais gagné (Rire). Puis il y a eu des soirées de reprises de Queen au collège, des concerts organisés par la mairie… La scène a toujours fait partie de ma vie, en Ukraine, et je donnais des concerts régulièrement. J'ai fait le conservatoire . J'ai commencé le piano à six ans, et le chant aussi. J'ai commencé à chanter dans une chorale Le professeur aimait ma voix. Il m'a proposé de suivre des cours de chant, ce que j'ai fait pendant cinq ans tout en poursuivant mes études de piano, jusqu'en 2014. C'est cette année-là que j'ai quitté l'Ukraine... J'avais à peine quinze ans quand je suis arrivée en France. Je ne savais pas comment m'y prendre pour continuer ce que j'avais mis en place en Ukraine, et j'ai donc pris un peu de retard. Je n'ai rien fait musicalement pendant cinq ans, car j'avais d'autres priorités : aller à l'école, finir mes études, apprendre le Français... J'ai repris la musique à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans. Aujourd’hui je suis heureuse d’avoir lancé le projet Lerka-Jo, et j’espère le developper au maximum avec les meilleures intentions et toute ma volonté. Ahasverus : Le 24/03/2023 vous sortez l'album « Je suis Lerka-Jo ». Comment avez-vous construit les huit morceaux qui le composent ? Lerka : La construction a été assez fluide. Le processus de la création musicale est ma partie préférée : avoir des idées qui survolent incessamment, les rattraper et les rendre concrètes, c’est la plus belle des choses. J'ai travaillé sur cet album avec Thomas, et nous avons eu une cohésion musicale et créative qui a permis aux huit morceaux qui composent cet EP de sortir l'un après l’autre à la vitesse de la lumière ! Pour ma part, même si j'ai composé au piano dès l'âge de onze ou douze ans, j'ai toujours besoin d'un intervenant, et Thomas m'a beaucoup apporté. Il a eu la base et le talent nécessaires. J'ai l'oreille musicale et la pratique du solfège, mais je manque de connaissances technologiques pour mettre en place des chansons, et c'est surtout dans ce domaine que j'avais besoin de quelqu'un. Je ne pensais pas pouvoir écouter de Metal, jusqu'à ce q'on me traîne à un concert de punk où je me suis dit « Cette énergie, c'est ça en fait ! C'est cette musique que je veux faire ! » Ca m'a parlé directement ! Limb Bizkit, Rage Against The Machine, c'était l'univers de Thomas, mais c'est désormais aussi mes références. Musicalement, « Je Suis Lerka · Jo » reste donc principalement le fruit des influences de Thomas, mais j'ai pu rajouter des choses qui me plaisaient.
Ahasverus : Votre album commence par « Champagne », un titre festif, avec un clip tourné au bord d'une piscine. Placer ce titre en ouverture était une évidence ? Lerka : J’adore l’été, et pour bien représenter ma personnalité c’était la seule réalité…. Soleil, eau (pétillante !), bikini… Vivre d’amour et d'eau fraiche ou de « Champagne » frais, c'est mon tube de l'été sans hésitation !
Ahasverus : Le virage de l'album, la claque, même, arrive avec le morceau « Je Suis Lerka · Jo ». C'est pour ne plus répondre aux questions que vous avez décidé de vous dévoiler dans un titre ? Lerka : Oui, c’était clairement une réponse générale à tous… car au bout d'un moment c’est toujours les mêmes questions qui reviennent. Cette chanson, « Je Suis Lerka · Jo », est une idée de Thomas, là encore, qui m'a suggéré d'écrire quelque chose en relation avec mon parcours. Ca ne me plaît pas de parler de mon parcours à des gens que je croise dans la rue et qui se montrent curieux parce qui'ls entendent mon accent, même si je comprends leur curiosité. Ce titre était l'occasion de leur faire une réponse collective. J’ai trouvé indispensable d’en parler fort et Thomas m’a encouragée à écrire ces paroles. « Je Suis Lerka · Jo » est selon moi l'un des titres forts de l'album. Comme t’as dit : « Ça claque » !
Ahasverus : Quelles sont les langues utilisées dans les lyrics de Lerka -Jo ? Lerka : En majeure partie j’utilise l’Anglais, le Français et le Russe pour l’écriture. Puis je rajoute les phrases en Ukrainien, et parfois en Italien pour arranger les rimes et les passages mélodiques, car selon moi l’Ukrainien et l’Italien sont deux langues chantantes. Pour le nouvel album vous verrez comment je mixe toutes les langues ensembles, telle une salade de fruits !
Ahasverus : Qui a écrit les paroles de l'album ? Lerka : C'est moi. Thomas a apporté des corrections aux textes en Français.
Ahasverus : Les thématiques que tu abordes sont très écartelées... Lerka : Il n'est pas envisageable pour moi de rester sur une seule thématique. J'ai beaucoup d'idées qui ne sont pas toujours exploitées, mais qui restent dans ma tête et qui tournent. Parfois je veux faire quelque chose de festif, parfois j'ai envie de parler de quelque chose de plus profond.
Ahasverus : Ton parcours est-il une force pour ta musique ? Lerka : C'est une force de vie, comme chaque parcours. Ce que je vis aujourd'hui même m'inspire pour de nouvelles chansons. Ahasverus : Un mot sur la production de l'album ? Lerka : Hahaha ! C’était ma première expérience dans l’industrie musicale, depuis j’apprends tous les jours. J’avoue qu’au début rien n'était facile, durant la production du disque j’étais extrêmement têtue… Je pense que je le suis encore, mais j’ai appris à faire confiance aux professionnels. Notre ingé-son Xavier « Goosh » Le Gouix à Loud Studio, s’est montré très indulgent et je l'en remercie, Et mince, à vrai dire y’a toujours des choses qui ne vont pas, mais on les surmonte a chaque fois et je suis très fière de ça !
Ahasverus : Fin 2022 vous jouez dans une soirée « Projection & Concert » organisée par l'IAATA (Information Anti-Autoritaire Toulouse et Alentours). Simple opportunité, ou c'était important d'en être ? Lerka : Je n’avais aucune idée qu’est ce que voulait dire l’IAATA, on s’est présentés car des amis nous ont demandé de jouer. On a fait le show, mais on l’a pris comme une simple opportunité.
« En ce moment c'est l'écriture du nouvel album avec des amis musiciens. Cet album, on va l'écrire tous ensemble, et ça va être super chouette ! »
Ahasverus : Vos projets dans les prochains mois ? Lerka : Les concerts arrivent, je suis tranquille, pas de surcharge mentale, step by step... Puis l’écriture du nouvel album à déjà débuté, je travaille dessus avec des amis musiciens. Cet album, on va l'écrire tous ensemble, et ça va être super chouette ! Je n'aime pas me répéter, je souhaite donc explorer des styles différents pour Lerka-Jo, par exemple rajouter du drum and bass, des sons électro, des choses plus classiques avec une jolie voix, même s'il y aura toujours du punk rock et du punk fusion. Je souhaiterais pouvoir tenir le rythme d'un EP ou d'un album par an. Je prépare aussi une tournée en Ukraine, pour dix ou quinze dates. Il est important pour moi d'aller porter cette musique hybride, faite de langues ukrainienne et russe, et de montrer qu'il y a des gens qui, même s'ils sont déracinés, portent encore leur pays dans leur coeur. Malgré la guerre, les gens n'ont pas arrêté de vivre ; il y a toujours en Ukraine de la musique, des concerts... J'irai peut-être aussi en Italie... Pour l’année qui arrive, nous avons donc du boulot, et même beaucoup de boulot ; je recherche très activement des dates pour 2024. Ce serait certainement le moment pour prendre un directeur artistique et un booker pour développer le projet Lerka-Jo. Il faut se faire connaitre car il faudra défendre le prochain album, qui sortira au printemps 2024 si Dieu le veut.Ahasverus : Lerka-Jo sur scène, ça donne quoi ? Lerka : C'est chaque fois différent, avec une énergie extra-explosive qui donne le sentiment de la fête éternelle, avec des ballons et des papillons, et bien sur le Champagne super friendly ! Une fois vue en concert = fan pour toujours ! Il y a un impact très positif sur scène, le lien avec le public est très puissant. Ahasverus : Vous avez le trac avant de monter sur scène ? Lerka : Je sais que le set est bien préparé, je n'ai pas le trac.
Ahasverus : Que trouve-t-on sur le stand de merch de Lerka-Jo ? Lerka : Hihihaha ! C’est ma partie préférée aussi ! Déjà le logo de super-héro designé par Thomas fait comprendre l’authenticité de Lerka-Jo Si l'on rajoute des couleurs éclatantes ça donne le pur esprit du personnage ! Pour l’instant Lerka-Jo propose des t-shirts de toutes les couleurs et des sous-vêtements white/pink homme et femme… Et ce n'est que le début !
Ahasverus : Merci, Lerka-Jo, d'avoir répondu à mes questions... Lerka : Merci, ça m'a fait plaisir de parler.