SILVERTRAIN de Phil en Phil - Part. I

Le 26/02/2022

« A Mérignac, Lemmy est venu nous voir dans les loges. Je dis dans les loges... Nous on n'avait pas de loges ! C'était le couloir ! »

Silvertrain prépare son nouvel album, le sixième d'un groupe qui a commencé à jouer à l'âge d'or du hard-rock, en 1976. Brûlant de retrouver la scène, Phil Yborra a bien voulu répondre à nos questions dans cette interview articulée en deux parties : la première évoque le temps où la formation s'est vue proposer d'ouvrir pour la tournée européenne du Bomber Tour de Motörhead. La seconde parlera de l'actualité du groupe et de ses projets.
Voici donc la première partie de cette interview... de Phil en Phil !

Photo silvertrain line upSILVERTRAIN - Line-Up 2022


Ahasverus : Bonjour Phil Yborra. Tu as tourné avec Rose Tattoo sur une quinzaine de dates et tu as ouvert pour le Bomber Tour de Motörhead. Quels souvenirs en gardes-tu ?
Phil : Bonjour Ahasverus. Quand tu fais ça au moins une fois dans ta vie, à moins d'arriver à être l'égal de ces gens-là, tu es sur un nuage. Quand tu as la possibilité à notre âge - on avait à l'époque deux ans d'expérience et un album en poche - de faire des dates avec Motörhead et  Rose Tattoo, et les deux dans la foulée en plus, tu n'en crois pas tes yeux. Tu es propulsé dans un autre monde car passer d'un public de cent à cent-cinquante personnes, ce qu'on avait dans nos propres tournées au démarrage, à sept à douze mille personnes chaque soir, ce qu'avait Motörhead, ou encore quatre à sept mille, ce que connaissait Rose Tattoo... ça nous a rendus très fiers d'être sur cette grosse tournée, avec ce p*** d'avion, le bombardier, mais surtout, et j'en suis heureux encore aujourd'hui, on a rencontré Fast Eddie Clarke, Phil Animal Taylor et Lemmy Kilmister, les trois zicos des débuts de Motörhead. Et là tu te dis : « j'ai joué avec les vrais ! » Jouer avec des gens comme ça t'amène dans une dimension que tu ne connais pas. Mais le plus con, dans l'histoire,c'est quand même moi ! A l'époque, quand on prenait des photos, c'était avec des Kodak. Et à ton avis qui était le préposé à la photo ? C'était toujours moi ! Alors je n'étais jamais dessus ! Enfin si, une fois j'ai été dessus... Mais de dos ! (Rires) Par contre on a des photos avec Phil Animal Taylor  et Eddie, avec Badger et Martin ou Chris, et ça, ça fait super plaisir...
Silvertrain chris badger motorhead 3
Chris Badger (Silvertrain) avec "Fast" Eddie Clarke et Phil "Philty Animal" Taylor.


Ahasverus : J'ai vu Rose Tattoo lors de leurs premiers concerts en France et j'avais été très impressionné par la folie d'Angry Anderson : il s'étranglait avec le fil du micro, se frappait le front jusqu'au sang, crachait sur le public, s'évanouissait...
Phil :
Il était blindé de chez blindé ! Autant Lemmy en coulisses était quelqu'un de sage, de raisonnable, tout au moins à l'époque où je l'ai connu, autant Angry Anderson c'était autre chose. Sur la vingtaine de jours passée avec Rose Tattoo, j'ai dû le voir plus à poil qu'habillé... Et c'était du 24h/24 ! Ce qui m'a toujours étonné, chez Anderson, c'est qu'il a une voix assez claire, et malgré tout ce qu'il s'envoyait, sa voix n'a jamais cassé. Il tenait le rythme ; quelque soit son état c'était juste ! Ca m'a vraiment épaté, moi qui faisais attention pour entretenir ma voix, pour pas être enroué !
Ahasverus : Elle est arrivée comment, cette participation au Bomber Tour ?
Phil :
C'est une longue histoire. Dans les années 1979/1980, on tourne par nos propres moyens. On est dans notre gare, et on fait deux ou trois tournées par an, en remaniant le show à chaque fois. Chaque tournée, c'est trente ou quarante dates. On a le camion, la voiture et notre équipe : Robert au son, Jean-Lucaux lights, et Haidesse, un fan de Silvertrain, s'occupe de toute la partie road, des effet techniques.
Un jour je reçois un appel de Patrice Boutin, le patron du magazine Best. Il m'explique qu'il a un poulain dans son écurie, un groupe, qu'il veut  faire tourner pour qu'ils essuient les plâtres et qu'ils apprennent le métier. Si on accepte de tourner avec eux, il s'engage à prendre en charge tous nos frais, il propose même en sus une page de pub par mois pour Silvertrain dans le magazine, et ça pendant une année.
Phil et martin 5
SILVERTRAIN - Phil et Martin


Ahasverus : Une page par mois pendant une année dans Best, c'était énorme. Parce qu'il n'y avait pas beaucoup de choix à l'époque en magazines musicaux pour les rockers, il y avait Best et Rock & Folk... Enfer Magazine n'arriverait qu'en 1983.
Phil :
C'est vrai. Il y avait GIG qui pointait un peu son nez, et c'est tout. Ainsi on a eu notre page pendant un an. C'était à chaque fois le même motif : une page en noir et blanc avec, en grand, SILVERTRAIN ON TOUR, plus la photo de l'album, et parfois quelques autres photos, puis toutes nos dates de concerts... Patrice Boutin tient donc ses engagements. En fin de tournée, il me conseille de contacter Michel Kilhoffer de Music For Ever. Rendez-vous est pris et d'emblée, Michel me fait une proposition : une tournée européenne avec un groupe connu. Les conditions : décharger les camions (quatre semi-remorques !), monter le matos, nous débrouiller pour dormir, faire la route, etc.... Je questionne « —Tu ne peux pas me donner le nom du groupe, qu'on sache au moins avec qui on tourne ? » Il refuse. J'essaie de glaner des indices : « —C'est un groupe de grandeur européenne ? » Il confirme. C'est même un peu plus... Je prends la responsabilité sur moi, pas besoin d'en parler à mes potes : on fait les dates ! On accepte les conditions ! Je lui demande juste de nous prévenir suffisamment avant, pour qu'on puisse s'organiser. Nous, à l'époque, on était autonomes, on pouvait dormir sur la scène d'une MJC comme dans notre camion. On avait nos sacs, on avait tout, ça faisait partie de notre vie de tournée. Je me lève pour partir, et en attrapant la poignée de porte je tente un dernier coup :
« —P***, tu peux vraiment pas me dire le nom de ce groupe ? 
—Allez bon, t'es gentil... Je vais te le dire quand même : c'est Motörhead ! »
Et là, tu es sur le cul. Tu ne sais pas si on t'a shooté, si tu es au paradis ou en enfer, si tu es mort, si tu es vivant... Tu es sur une autre planète !
Ahasverus : La première date avec Motörhead, tu dois sentir un peu les jambes qui flageollent...
Phil :
Pas que les jambes ! (Rires) La première date à Angoulème a été annulée, parce que la scène en bois ne permettait pas de supporter les quatre vérins qui actionnaient le bombardier. La véritable première date, c'était Bordeaux. Et là, à Mérignac, Lemmy est venu nous voir dans les loges. Je dis dans les loges... Nous on n'avait pas de loges ! C'était le couloir ! Donc Lemmy vient nous voir et nous dit « — Les gars, on compte sur vous pour foutre le feu. Si vous vous tenez bien je vous proposerai quelque chose. » On a joué une demi-heure. Le public était en transe. On a même eu, sur ce premier show, un rappel ! Lemmy nous annonce dès la fin de notre set que dorénavant Silvertrain ne montera ni ne démontera plus le matos. On a beaucoup apprécié. A la fin de la tournée, en mode rigolade, on s'est même mis à genoux devant Lemmy pour le remercier de son geste. Je n'aime pas dire ça parce qu'on peut penser que j'en rajoute, mais Lemmy était un type génial . Il tenait sur scène, et il tenait bien !
Ensuite tout s'enchaîne : à la fin de la tournée, le tourneur de Rose Tattoo pour l'Allemagne, qui avait assisté au show du Bataclan et à celui de Selestat, contacte Michel Kilhoffer pour nous faire passer en première partie des Australiens.
Silvertrain rose tattoo
SILVERTRAIN et ROSE TATTOO


Ahasverus : Rose Tattoo n'avait pas à l'époque la même notoriété que Motörhead mais j'imagine que vous les connaissiez ?
Phil :
On les connaissait un peu. Et c'était une deuxième cartouche. Ensuite nous devions ouvrir pour Foreigner, mais la tournée fut annulée. A cette époque on surfait sur la vague, on était sur un nuage. Toutes les portes des associations et des MJC de France et de Navarre nous étaient ouvertes ! On n'avait aucun mal à empiler les dates.
Silvertrain motorhead 7
SILVERTRAIN sur le Bomber Tour


Ahasverus : Tout à l'heure tu parlais d'une gare. Elle est à l'origine du nom de Silvertrain. Vous répétiez dans une gare ?
Phil :
A seize ans, avec Chris Lane, le guitariste on a commencé à travailler sur le concept qu'on voulait faire, des shows à l'Américaine, avec de la pyrotechnie et des gros moyens techniques. Sur le papier, tout était prêt, mais il nous manquait le local adapté pour travailler de manière professionnelle.
A l'époque, ma tante travaille à la SNCF, au fret. Elle me dit « — Philipou (elle m'appelait Philipou !) dès que j'ai quelque chose, je te le dis. »
Un dimanche, elle m'informe qu'elle a trouvé un truc, et elle m'emmène à quinze bornes de Strasbourg, où j'habitais, dans un patelin qui s'appelle Marmoutier. Il y a une scierie, le canal de la Marne au Rhin, et une grande gare désaffectée.
« —C'est là, m'indique-t-elle.
—Là ? Où ?
—C'est la gare. »
Je m'inquiète du prix, tout ça doit coûter horriblement cher !
« —Deux-cent cinquante francs, précise-t-elle.
—Par mois ?
—Par an ! »
Voila pour la gare. Nous l'avons agencée pour qu'on puisse y vivre tous ensemble. Quant au Silver de Silvertrain, c'était pour le côté argent/monnaie. On voulait devenir des stars, avoir de belles petites bagnoles rouges garées devant la porte.
Silvertrain band1 1
On n'avait pas le melon, c'était juste des rêves de gosses de seize ans... On a travaillé. Notre manager avait dix-neuf ans. C'était un Anglais avec qui on est restés pendant plus d'un an, jusqu'à ce qu'il commence à déconner. Alors c'est moi qui ai pris le management. On avait tout dans cette gare, même un studio qu'on avait confectionné avec du polystyrène. Nous devons  à notre ami et sponsor Music Boech de Colmar nos premières affiches. Elles faisaient 120X90, en quadrichromie. Tu imagines, à l'époque ? On avait un immense hangar, un truc d'une bonne dizaine de mètres, ce qui fait que nous avions tout l'espace qu'on voulait pour être prêts...
Gare marmoutier
La suite de l'interview de Phil Yborra ici :  SILVERTRAIN de Phil en Phil - L'interview Part. II

 

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