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RAYMOND MANNA (ex-TRUST), de la vocation à la foi

Le 10/01/2024

Un ex-Trust sur KTO TV
Par Ahasverus

Trust raymondRaymond a connu « mille vies, mille aventures dont la plus intense a certainement été pour lui celle de la foi ».
C'est pourtant l'une des ses vies les plus brèves — cinq ans seulement — qui a marqué le public français, une vie sous les projecteurs qui voyait Raymond « Ray » Manna accéder à la notoriété au sein du groupe Trust dont il est l'un des fondateurs.
Né à Argenteuil, Raymond Manna perd ses parents très jeune et se retrouve à la DDASS loin de sa fratrie. Ce jeune homme en colère se découvre une vocation pour la musique en voyant sur une scène de Colombes le guitariste Jimmy Hendrix en 1967.
Avec son pote Bernard « Bernie » Bonvoisin, il part aux USA, revient, fonde Trust et recrute Norbert « Nono » Krief, alors guitariste au Club Med.
Après un premier quarante-cinq tours passé inaperçu, Trust casse la baraque en 1979, vole la vedette à Téléphone et envahit les grandes ondes avec un premier album éponyme enregistré en une semaine. Il est communément appelé « L'Elite  » et il sort chez CBS.
Trust l elite 1Mais un concert à Roubaix signe la fin de la vocation de Raymond bassiste, qui ne le sent plus et préfère s'occuper du management du groupe, laissant sa basse à Yves « Vivi » Brusco.
Raymond reste le manager de Trust jusqu'à l'album « Marche ou Crève » (1981). Autant dire qu'il a connu le tiercé gagnant de la discographie des Franciliens, avec pour temps fort un concert dans la prison de Fleury-Mérogis en 1980, et pour regret un virage américain raté faute de n'avoir pas voulu lâcher CBS. 
Trust marche ou creveRozzen, l'épouse de Raymond, l'affirme : « On n'a pas un seul album de Trust à la maison. Il a connu cette période faste, j'allais dire cette période de célébrité, où les gens ne voyaient que ça en lui. Mais en fait cest quelque chose qui est derrière ; beaucoup d'années ont passé et ce qui compte pour lui c'est ce qu'il a construit depuis. »
C'est que si Raymond Manna, après Trust, n'a jamais vraiment quitté l'événementiel, il a rencontré la foi dix ans plus tard, et il est aujourd'hui, à soixante-dix ans, aumônier catholique auprès des détenus.
Dans « A L'Ombre des Projecteurs », un documentaire aussi vaste qu'il sait rentrer dans le détail, ne négligeant pas même l'approche sociologique, Guillaume Paqueville nous intéresse au parcours de l'ex-bassiste et manager de Trust. Il s'attache à ses pas et interroge son entourage et son passé dans un reportage de cinquante-deux minutes particulièrement bien monté qui retrace par ricochet la genèse du groupe Trust dont Raymond fut la cheville ouvrière. Le traitement est intéressant, et les amateurs de rock auront le plaisir de croiser dans ce doc très fouillé Norbert Krief ainsi que Pierre Favre, l'ex-chanteur des Garçons Bouchers.
Trust 1A voir impérativement !

GET THRASHED! The Story of the Thrash Metal (documentaire - 2006)

Le 15/01/2023

« Si tu veux écrire sur la face mauvaise du monde, grâce à la musique tu as le pouvoir de le crier. On ne peut rien changer, mais on peut le crier. » Tom Angelripper (Sodom)

« Get Thrashed: The Story of Thrash Metal » est un documentaire américain réalisé par Rick Ernst en 2006.
Get thrashed
Long de cent minutes, c'est un cours magistral, une véritable leçon d'histoire par les plus grands acteurs de la scène Thrash Metal qui nous édifient par leurs réflexions pertinentes parfaitement agencées par un montage qui privilégie la chronologie.
On trouve le Thrash dès ses balbutiements. Il est né à trois endroits selon DJ Will (Knac) :
« A Los Angeles on a Metallica et Slayer ; dans la Bay Area de San Francisco avec Exodus ; et à New York avec Anthrax et Overkill. »
Nous sommes bien avant l'arrivée des ordinateurs et d'internet. Le mot Underground renferme alors une sorte de magie dont Lars Ulrich se souvient :
« Les scènes régionales n'étaient pas si différentes. Elles s'étaient formées autour de disquaires qui importaient beaucoup d'albums, ainsi qu'autour du bouche à oreille et de l'échange de cassettes. Quand vous obteniez une copie d'une démo c'était parfois la quatorzième copie et c'était presque inaudible mais mec, tu comprends, c'était comme dire : Hey, devine quoi ? J'ai une démo que tu n'as pas ! »
La première compilation Metal Massacre plante la première graine du Thrash en incluant « Hit The Light » en fin de galette. Un coquille affuble Mettalica d'un second T. Nous sommes en 1981.
A tout saigneur tout honneur ! « Ils l'avaient avant tout le monde ! » affirme Phil Anselmo (Pantera). « Kill Em' All » sort le 25 juillet 1983. L'album est fondateur et clairement en avance sur son temps. Le terme Thrash n'est pas inventé, tout au moins il n'a pas cours en France où l'album est catalogué Speed Metal. Un sticker sur le trente-trois tours nous prévient : « Plus Vite Que Moi Tu Meurs. »
Kill em all
Metallica gardera le leadership du mouvement durant cinq albums incontournables.
Cependant les loups se disputent le territoire. « J'étais meilleur et plus rapide qu'eux quand j'étais dans Metallica » affirme Dave Mustaine (Megadeth).  « Sans Mustaine il n'y a pas de Metallica. Sans Mustaine, il n'y a peut-être pas de thrash tout court. » confirme Scott Ian (Anthrax).
Megadeth... « Presqu'un jazz band qui jouait du Metal ! » selon Mille Petrozza (Kreator). Un avis partagé par Scott Ian.
Megadeth
Le documentaire s'intéresse ensuite à Slayer, seconde vague du Thrash Metal, puis à Exodus, le pionnier. Le transfuge Kirk Hammet (Exodus/Metallica) se souvient :
« Exodus a continué sans moi et je pensais vraiment que leur premier album Bonded By Blood (1985) était un album de Thrash tellement génial et exubérant... »
Exodus
Anthrax complète, avec Metallica, Slayer et Megadeth, le quarté gagnant d'un genre encore très underground. Il inscrit « Among The Living » (1987) au titre des albums fondateurs, se démarquant par les qualités de chant de Joey Belladonna.
Le Thrash amène l'urbain dans le Metal, superpose le stage-diving au headbang, et le hardcore s'y fait une place à coups de poings. C'est l'arrivée de Suicidal Tendencies.
Overkill, Death Angel, Dark Angel complètent le tableau américain avant qu'on taille la route vers la scène allemande (Kreator, Sodom, Destruction). De l'avis général, l'Allemagne se trouvant propulsé meilleur pays d'accueil. Puis l'on parle des scènes suisse (Coroner et Celtic Frost), canadienne (Voivod), brésilienne (Sepultura) et même australienne (Mortal Sin).
Kreator
La route, les addictions, et c'est toute l'histoire du Thrash Metal qui s'anime sous nos yeux dans un documentaire éclairé qui trouve son épilogue avec le Clash Of The Titans, une tournée qui marque la fin de l'année 1990.
Sur le papier : Megadeth, Slayer, Anthrax et Death Angel. Mais Death Angel est victime d'un grave accident avec son tour bus, il se voit contraint de décliner l'offre et c'est un inconnu qui le remplace : Alice In Chains. Totalement inapproprié sur l'affiche, le groupe de Seattle est reçu à coups de canettes de bières par un public thrasher qui n'entend pas cette musique qui ne dit pas encore son nom. 
Elle l'affirmera le 24 septembre 1991. Huit ans après « Kill Em' All », Nirvana ringardise le Thrash et toutes les ramifications du Metal avec son bien nommé « Nevermind » qui sert de phare à la vague Grunge. Seul Pantera réussira à tirer son épingle du jeu.
Pantera
Mais l'histoire se répète. Nous laisserons la conclusion à Scott Ian (Anthrax) :
« En ce moment il y a des jeunes dans un garage quelque part qui deviendront le prochain grand groupe de Metal et j'aime à penser que ce qu'on a fait dans notre carrière et que tous ces groupes dont on a parlé ont eu une grande influence sur ça. »
« Get Thrashed: The Story of Thrash Metal » est disponible en DVD. Vous le trouverez également en streaming sur The Pit. Il vaut le détour, n'hésitez pas.
Slayer

POP REDEMPTION (film - Martin Le Gall - 2013)

Le 14/01/2023

Martin Le Gall est un réalisateur et scénariste français originaire de Toulouse. Pop Redemption est son premier long métrage.
pop redemption
En route pour jouer au Hellfest, les Dead MaKabés, un groupe de black metal dont trois membres sur quatre veulent arrêter la musique sans oser en parler,   se retrouve traqué par la gendarmerie  à la suite d'un accident ayant dégénéré en homicide involontaire avec délit de fuite.   Pour s'échapper, Alex et ses potes doivent se faire passer pour All You Need Is Love,  un groupe de flower pop, au festival de la fraise de Peperac, à 400 kilomètres du Hellfest.
Sorti en 2013, ce film de Martin Le Gall a été tourné partiellement au Hellfest 2012 où les comédiens ont joué en live après un concert d'Axl Rose, coachés par Steeve « Zuul » Petit (ZUUL FX) pour leur prestation.
Martin Le Gall a choisi des acteurs étrangers à la scène métal tout en évitant le déguisement et la caricature. S'adjoignant les conseils de Steeve Petit, il a entraîné Yacine Belhousse, Grégory Gadebois et Jonathan Cohen aux instruments dont leurs personnages ont la charge.
Le trio est complété au chant par Julien Doré. Le quatuor fonctionne à merveille, dans une performance drôle et respectueuse des codes. Vous retrouverez notamment une pseudo méga-vedette américaine répondant au nom de Jean-Pierre Furnier. Furnier... Comme un certain Alice.
En film culte qui se respecte, Pop Redemption a peiné à trouver ses financements et a été retiré de l'affiche après trois semaines de flop. Il comprend pourtant son lot de répliques savoureuses qui méritent la postérité  :

  • « Le solo, c'est la virtuosité, et la virtuosité c'est méprisable. »
  • « Mort à la passion / Mort au quotidien / Mort à la mièvrerie / Mort au petit matin. »
  • « Tu savais que le mufle, en fait, c'est pas un animal ? »
  • « Je suis un guitar héro, j'ai pas fait un solo en 15 ans ! C'est pas normal ! »
  • « Moi je suis un artiste libre ! Totalement, absolument, viscéralement libre ! Du coup, je fais plutôt les courses le mardi, parce qu'il y a moins de monde... »

Vous l'aurez compris, Pop Rédemption est un film culte hautement recommandable  et franchement drôle qui amusera celui qui a les codes de la culture Metal.
Casting : Julien Doré, Audrey Fleurot, Alexandre Astier

ROCKABUL, du Metal en Afghanistan.

Le 05/01/2023

La plateforme de vidéo à la demande The Pit, spécialisée dans le Metal, propose actuellement en streaming gratuit « RocKabul », un reportage en version anglaise sous-titrée à propos du premier et seul groupe de musique Metal qu'ait connu l'Afghanistan : District Unknown.
The pit 2
« RocKabul » est un film du journaliste australien (« un peu fou » selon certains) Travis Beard. Il a été présenté pour la première fois au Festival international du film de Rotterdam en 2018. Tourné entre 2009 et 2016 il chronique le quotidien de métalleux afghans dont les aspirations artistiques se heurtent de plein fouet aux principes d’un système extrêmement conservateur.
Le ton est donné très tôt alors que le journaliste Travis Beard interroge un fondamentaliste quant à sa  position sur la musique rock : 
« — Quelle musique ?
— Le rock
 — Cette musique n'est pas autorisée. Si vous écoutez cette musique ridicule, des flammes sortiront de vos oreilles lors du jugement dernier. Il est permis de tuer les gens qui choisissent cette voie. Ils ont abandonné l'islam et choisi la voie de l'infidèle. Si Allah nous les livrait, nous jetterions leur chair aux vautours et les pendrions aux arbres. »
District Unknow pourtant insiste, apprend à partir de rien, répète dans une semi-clandestinité, progresse malgré son manque de moyens. Question :
« — Y a-t-il un endroit pour jouer devant un public dans ce pays ?
— Pas que je sache, je n'ai vu aucun endroit pour ça.  »
Pourtant District Unknow y parvient, il en est le premier étonné. L’occupation américaine bat son plein, les métalleux sont invités à jouer dans des clubs pour expatriés, puis dans un festival financé par le gouvernement américain. « Nous avons dépensé beaucoup d'argent de manière insensée en Afghanistan. Mais ce n'était pas le cas ici » estime l’attaché culturel  US. Suivent d’autres shows, et si on joue masqué, c’est pour la sécurité, pas pour le folklore... Avec l’aide de l’Institut Français, à son zénith, en 2012, District Unknow joue devant 10 000 personnes dans un festival à New Delhi.
Mais l’Histoire les rattrape, la grande submerge la petite lorsque les USA décident de se désengager d’Afghanistan. La menace se fait pressante sur les membres du groupe. C’est le temps du doute, des illusions perdues, du retour brutal à une réalité.
Une aventure prenante, un reportage très bien dirigé.
The pit 1
On note pour vous en conclusion cette réflexion plus étonnée que désabusée de l’un des musiciens, finalement expatrié au Royaume-Uni pour sauver sa vie :
« Quand je suis arrivé en Angleterre, j'ai appris la culture occidentale. Les gens sont tellement plus occupés, avec leur propres affaires, leur propre vie, qu'ils n'ont même pas le temps de penser à ce qu'un autre gars fait réellement. Je vais dire à quelqu'un : j'étais dans un groupe de Heavy Metal, le premier groupe de Heavy Metal... Je pensais qu'ils allaient tous halluciner, poser des questions et tout... Mais ça n'est jamais arrivé. »
« RocKabul » est en streaming gratuit sur The Pit pour une durée limitée. Profitez-en pour découvrir la plateforme.