OÏKOUMEN, L'interview

Le 28/11/2022

« On voudrait faire des morceaux qui interpellent. »


Début novembre 2022 Oïkoumen sortait son premier album, un opus progressif, baroque et lyrique intitulé « Dystopia ». L'affaire était suffisamment intrigante pour que nous ayons envie d'en savoir plus. Laura (chant, paroles) et Elie (guitare, musiques) ont accepté de satisfaire notre curiosité...
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Photographie : Daniel Hempel


Bonjour Oïkoumen. Pouvez-vous m'éclairer sur la signification de ce nom ?
Laura Mazard :
Oïkoumen est une déformation du mot grec oikoumene qui signifie “l’ensemble du monde connu” et habité par l’Homme. Le terme, centré sur l’Homme, évoque également le rapport qu’il entretient avec son environnement et ce qu’il en connaît. De fait, il suggère aussi en négatif ce qu’il lui reste à découvrir. Dans nos chansons, nous abordons et aborderons beaucoup de thématiques relatives à ce lien entre l’Homme et ce qui l’entoure, entre l’Homme et ce qu’il est, entre l’Homme et ce qu’il connaît ou rêverait de connaître. 
Influencés par le métal symphonique à la création du groupe en 2017, vous vous en détachez dès le premier EP, un trois titres présenté en 2020 ?
Elie Veux :
A vrai dire on a du mal à se classer ! Le terrain de base de la formation était effectivement symphonique mais nous souhaitions aborder des thématiques qui n’entraient pas forcément dans le genre et surtout transmettre des émotions plus brutales qui nous emmenaient vers d’autres façons d’écrire et de penser nos morceaux. Je considère que la rupture s’est faite à partir du single The Green Queen qui a été réalisé pendant le processus d’écriture de l’album.

En revanche, l’EP est, dans mon esprit, plus ancré dans la tradition symphonique avec des titres comme Enchanted World et Deus Vult bien que Pompéi se rapproche déjà plus d’un aspect “prog”. Cette idée est d’autant plus affirmée dans ma tête par le fait que les thèmes y sont plus légers et enchanteurs que sur le single et l’album où on a décidé de parler de ce qui nous prend aux tripes.

Malgré un son cru, ce premier EP reste très fréquentable, et même intéressant, justement avec des titres comme « Pompei »...
Laura Mazard : Pour l’EP nous n’étions (vraiment) pas du tout entourés d’où ce son qui ne correspond pas à ce vers quoi on est allés ensuite. En ce qui concerne Pompéi, il correspond à la lignée “historique” qu’on s’était donnés en début de voyage.
Quelques reprises pour occuper le terrain... J'ai trouvé gonflé de s'attaquer à Rammstein !
Laura Mazard : En effet, on fait aussi des reprises pour se mettre au défi et s’exercer le temps de mener à bien les compositions originales ! Rammstein était un de ces défis ! Plus ça a l’air impossible à reprendre plus c’est stimulant ! En ce qui me concerne, ça m’a obligé à réfléchir vocalement complètement différemment de d’habitude et à explorer de nouvelles contrées où je ne serais pas allée autrement !

Elie Veux : Dans le même esprit on s’est essayés sur du Children of Bodom, Trivium et Arch Enemy ! En plus de travailler d’autres arrangements vocaux et parfois s’attaquer à la structure (comme dans Those Who Fight). C’est aussi l’occasion de montrer nos goûts musicaux.
Début novembre 2022, premier album, avec une production nettement meilleure.
Laura Mazard :  En effet, pour l’album on était bien mieux entourés ! Grâce aux judicieuses recommandations de nos compères de chez Exanimis, on s’est tournés vers un humain pour la batterie et quel humain ! C’est Clément Denys, excellent batteur de chez Fractal Universe qui a donné vie à nos rythmes et Flavien Morel s’est chargé du Mix ! C’était un vrai bonheur pour nous !
« Dystopia » (c'est le titre de votre album), c'est dix morceaux, de « Dystopia » à « Utopia ». Quel fil les relie ?
Laura Mazard :
L’album est une lente évolution de l’obscurité vers la lumière. Il a été composé il y a deux ou trois ans (oui, on a eu de gros problèmes de production qui ont énormément retardé la sortie du projet !) à une période pleine de colères, de prise de conscience sur l’environnement et la société et tout cela a guidé l’album. Quand on prend conscience d’un problème, il y a plusieurs façons de réagir : d’abord la colère qui peut se conclure en désespoir ou en envie de se battre et d’y croire. C’est ça Dystopia, un album qui commence avec des titres sombres et pessimistes pour s’ouvrir ensuite sur un chemin alternatif où l’optimisme a sa place, où l’envie d’y croire donne l’énergie pour se battre. Dystopia parle d’une planète détruite, d’une humanité écoeurante, Utopia met en lumière les beautés qui nous entourent et la force que donne l’espoir.  
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Musicalement, vers quoi vouliez vous tendre ?
Laura Mazard :
On tend vers quelque chose de plus incisif, cru et sincère. On voudrait faire des morceaux qui interpellent, pas qui flattent l'oreille, quitte à ce que ça dérange. On voudrait faire quelque chose qui touche, qui vient secouer l’auditeur. On voudrait aussi aller chercher les émotions qui dérangent tout en proposant des morceaux qui abordent des sonorités plus douces.
Elie Veux : Effectivement, on cherche à faire correspondre ce que l’on souhaite exprimer avec la musique sans nécessairement s'enfermer dans un style de métal. Ainsi, si on estime que des riffs se rapprochant du trash, du djent ou du heavy (etc) nous paraissent plus pertinents pour parler de telle ou telle chose, on le fait. Cependant, je veille toujours à conserver le fil conducteur orchestre (parfois en simple soutien ou beaucoup plus présent) et voix claire. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des titres comme Amandla avec un esprit plus heavy (car on veut fédérer) et à l'opposé Slaughterhouse qui possède des couplets incisifs et des refrains à la limite du trash (exprimant l’horreur).
La voix de Laura Mazard est lyrique. Vous m'en dites un mot ?
Laura Mazard :
J’ai en effet une formation lyrique mais je m’en détache beaucoup dans mes interprétations. Pour Dystopia, l’idée était ici de casser le son pour le rendre plus humain. Je ne couvre pas souvent mes notes comme dans le chant lyrique où le son est très rond et solennel et je ne déploie pas de long vibrato. Je voulais faire quelque chose de plus écorché, comme un cri. Donc oui, il y a une base et un registre lyrique mais très déstructuré et abîmé. Par moment, je fait cohabiter ce choix d’interprétation avec une voix de poitrine qui sera peut-être plus présente sur l’album II !

Comment s'est déroulé le processus de composition ? La voix a-t-elle été pensée immédiatement comme un instrument, ou les lignes de chant ont-elles été composées après coup ?
Elie Veux : Je confirme écrire très souvent mes mélodies lead et les riffs/orchestres avant le texte. La musique est écrite à partir des thèmes de chaque morceau que l’on détermine à l’avance avec Laura puis je me lance dans la compo. La suite sera légèrement différente car j’ai plus tendance à réaliser un premier jet à partir des thèmes puis, en cours de route, demander à Laura d’également écrire un premier jet à partir du “brouillon” de mélodie et ainsi être plus souple pour “adapter” la mélodie au chant (ce fut le cas sur The Green Queen). Après on estime que ça fait partie de notre “signature” et on trouve l’effet intéressant d’utiliser des intervalles plus larges. Aussi, sur Dystopia, on voulait faire quelque chose de très resserré et piqué pour les premiers morceaux car on trouvait qu’une interprétation plus tight a tendance à souligner l’angoisse (aussi bien sur le chant que sur le bloc guitare/basse/batterie).
Laura Mazard :  Je confirme… la voix a en effet été composée comme un instrument ce qui, il faut se le dire, a parfois été un énorme défi technique !
J'ai finalement trouvé que « Dystopia » ne s'était pas tant éloigné que ça de ses origines  « métal symphonique » avec des titres comme « Utopia », une magnifique composition de plus de neuf minutes, même si je vois plus globalement le groupe comme une formation de métal moderne et progressif, avec une touche de baroque et de lyrique...
Laura Mazard :  Alors là, nous sommes ravis d’avoir votre impression sur la question car en effet, comme dit plus tôt on a bien du mal à se classer et il me semble que votre impression décrit bien le flou artistique dans lequel on se trouve ! En fait, dans la formation, on vient tous d’univers différents et on les fait se rencontrer. Les instrus sont sûrement plus progressifs et la voix et les orchestres plus symphoniques et le tout fait un joyeux mélange qu’on ne sait pas trop qualifier. On fait du Oïkoumen on va dire !
Votre actualité dans les prochains mois ?
Laura Mazard :   Nous sommes actuellement en train d’essayer de promouvoir l’album afin de se faire connaître et de mieux s’entourer encore. On voudrait notamment recruter un batteur, trouver un label et des collaborateurs afin de pouvoir mieux spécialiser les tâches ! Bien sûr, on postule aussi pour faire des concerts ! Du côté créatif, l’album II est en cours ainsi que divers projets pour faire le lien !
Elie Veux : Et un Deus Vult anniversary (morceau de l'EP) avec nouvel arrangement prévu début 2023… en plus de ce qui a été mentionné par Laura ci-dessus !
Merci Oïkoumen de m'avoir répondu.
Laura Mazard : Merci à vous de nous avoir donné une voix ! C’est bien sûr toujours un bonheur pour des artistes de pouvoir s’exprimer sur leurs projets qui représentent souvent des années de travail, d’émotion, d’envie et d’ambition ! Merci pour ça et longue vie à la chronique !
Elie Veux : Merci de nous avoir accordé ce temps ! En effet, c’est très agréable de pouvoir exprimer notre vision du projet et ce qu’on veut en faire mais aussi d’avoir les retours et les impressions des gens qui nous ont écouté !
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Photographie : Daniel Hempel

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