GRANDMA'S ASHES : This Too Shall Pass (17/02/2023)

Le 04/03/2023

Groupe : Grandma's Ashes
Origine : Paris (France)
Album : This Too Shall Past (Sortie le 17 février 2023)
Genre : Rock Alternatif, Stoner, Rock Garage.

Par Dam'Aël

Grandma s Ashes - le groupe

LE GROUPE :

Qui n'a pas balayé devant sa porte, au sens propre comme au sens figuré ? Mais balayer ou ramasser les cendres de grand-mère, c'est déjà plus glauque. Bon certes, j'y vais un peu fort ! Non Grandma's Ashes n'a pas jeté son dévolu sur ce genre d'actions. Mais reconnaissez que  choisir un tel patronyme interpelle, non?.. Décidé un jour de grande canicule - on comprend mieux - ce trio féminin, estampillé d'une sororité marquée au fer rouge, s'accorde à mettre en évidence la Femme, son caractère, ses émotions, ses déboires, ses introspections et ses actions et réactions pour obtenir cette résilience de vie qui, quelque part, sauve in fine. Et l'image de chacune de leurs grand-mères leur semble bien adaptée eu égard à l'image que ces trois filles veulent donner à leur public. Groupe de Stoner Rock fondé en 2017 à Paris, il est formé par Eva Hägen (Basse / Chant / tatoueuse), Myriam El Moumni (Guitare / ingénieur du son dans des salles de concerts) et Edith Séguir (Batterie  étudie la musique), chacune trouvant un certain pouvoir dans leur instrument. Eva, développe le pouvoir de l'émotion,  Myriam trouve dans la guitare, le pouvoir de l'évasion, grâce à l’approche psychédélique du rock 70's et l'effet hypnotisant du stoner,  Édith et sa batterie, le pouvoir du changement et de renouveau récurrent.

Le trio grandma s ashes 1

La formation fait ses débuts avec des reprises de Kadavar ou de Queens Of The Stone Age puis l'ambition vient toquer à leur porte avec une livraison toute particulière, l'envie de s'exposer aux compositions personnelles. Un véritable brasier enflamme ces trois nanas qui délivre en 2020, le titre Daddy Issues, début d'une toute autre aventure avec un EP The Fates qui sort dans les bacs le 10 décembre de cette même année. Un instant, je me suis demandée si, à un quelconque moment, elles avaient envisagé de prendre pour surnom Nona, Decima et Morta... Mais, humilité oblige, Eva, Myriam et Edith gardent leur prénom et se cantonnent à présider uniquement à leur propre destin et celui du groupe.

The Fates les amène aux Studios Ferber pour l'enregistrement de ce 5 cinq titres, passant de leur salle de répète DIY au Studio A et son immense console Neve, dépoussiérant les pas, et bien d'autres, de Black Sabbath qui en avait investit les lieux pour l'enregistrement de Heaven And Hell sorti le 25 Avril 1980.

https://grandmas-ashes.bandcamp.com/album/the-fates

Grandma s ashes the fates

L'ALBUM : THIS TOO SHALL PAST

https://grandmas-ashes.bandcamp.com/album/this-too-shall-pass

"L'album aborde de manière introspective les thèmes de la mort, du deuil, de la rupture mais aussi de l’amour et l’amitié. Nous avons décidé de l’appeler This Too Shall Pass. Tout finit par disparaître, y compris cet album, notre musique, et nous-mêmes" explique le groupe.

Le trio dont les influences sont extrêmement variées, Yes, King Crimson, Led Zeppelin pour l'approche rock progressif des 70's,  QOTSA et Mars Red Sky pour le côté stoner ou encore  Gojira, Polyphia et Black Midi pour l'aspect plus agressif, a pour objectif  d'obtenir une musique narrative sans compromis qui s'estampille de chacune des personnalités du combo, dans une fluidité et une aisance de travail qui signe la cohérence du groupe et son ambition commune.

This Too Shall Pass propose neuf titres, une introduction et deux interludes, pour une durée frôlant les cinquante minutes d'écoute. L’album est enregistré, réalisé et mixé par Fred Lefranc (Pogo Car Crash Control, Miossec, Toybloïd…) et masterisé par Fabian Tormin. Produit par le label NICE PROD, il est distribué par BACO MUSIC  au format digital et digipack dans un premier temps, puis vinyle au printemps.

La pochette est réalisée par le Studio Derville : Le ressentiment est symbolisé par une dague, le désir par une grenade, la mélancolie par une fleur fanée. Les ronces qui les entourent symbolisant la résilience. On peut aussi observer le fil de coton ou de lin qui relie les trois femmes sur l'artwork de The Fates. Personnellement, j'imagine que le trio exprime le lien fort qui les unit et qui marque le symbole d'une cohésion irréfutable.

Grandma s ashes this too shall past

Galette déposée sur la platine, je me pose et attends avec impatience son contenu ; à ma grande surprise, un chant a capella s'offre en toutes premières notes, un peu baroque, un peu religieux, un peu... zut je me suis trompée d'album. Mais je ne bouge tant la mélodie est magnifique rejointe par différentes lignes de chœurs. P*** (NDLR : Punaise ? Purée ?), c'est beau ça ! 1'27 de voyage dont j'ai perdu la destination. Grandma's Ashes est le tour opérateur de l'aventure, seul à décider avec cette sentence d'introduction "A Mon Seul Désir". Si le titre ne laisse présager aucunement du futur contenu au niveau musical, il lâche immédiatement deux informations importantes ; la première est que ce trio est bien décidé à n'en faire qu'à sa tête, et secundo, la qualité vocale semble est de la partie sur cet opus qui manifestement prévoit de grandes surprises!

Ce n'est donc pas une douche froide qui nous saisit à l'amorce de cette écoute mais une impatience qui s'installe pour découvrir la Touch de ces trois drôles de dames. "Cold Touch" s'annonce en mode plutôt stoner, aux vibrations légèrement sombres et électrisantes attendries par un chant clair, doux qui s'élève et s'envole au fil des 3'57. On constate une réelle recherche de composition dès ce premier titre qui nous plonge dans l'univers bien particulier de ces demoiselles.

Mais pas un monde parallèle. Par contre, des situations "Aside" difficiles à faire accepter à son entourage ; tel est le sujet abordé dans le morceau suivant magnifiquement capté par julien Mitternich et diffusé le 13 janvier dernier. "Ecrit il y a quelques années après un coming out laborieux, un véritable concentré de violence et de soif de liberté. Il exprime le mélange de solitude, de soulagement et de fierté que l’on ressent lorsqu’on affirme une part importante de soi mais aussi l’incompréhension face à une famille et un monde hostile. Confrontée à ses parents obtus, elle se retrouve seule face à ses désirs incompris, dans la confusion et la tristesse. On nous retrouve en live, comme un miroir des émotions vives du personnage principal et l’eau, le protagoniste de ce clip, symbole de violence et de suffocation”, explique le commando féminin qui met sans réserve la dague en avant sur ses visuels, symbole du ressentiment clamé avec talent dans cet opus mais surtout sur ce second single. Une ambiance lourde et progressive qui évolue au rythme de l'intensité de cette colère, à l'orée d'un paysage clair-obscur, difficile à aborder tel le passage de l'adolescence à l'état adulte. "Borderlands" et l'insouciance qui fait place à l'introspection et ses constats durs et violents, accablants parfois ; comme un voyage initiatique qui défie le courage pour affronter les montagnes des incompris. De belles ambiances éthérées se vêtissent d'un lourd manteau massif de sonorités plus doom, au rythme très pachydermique frôlant l'apoplexie. L'interlude "Grow" s'enchaîne en guise de thérapeute permettant une bonne respiration et une digestion cathartiques qui génèrent de bonnes vibrations et que la basse assure avec magnificence sur ces quelques 31 secondes. A noter que cet extrait est en fait, à l'origine, la fin du titre La Ronce.

Qui sait semer avec méthode récolte les fruits de ses efforts. Le printemps en est une belle période représentative et Grandma'sAshes a su s'en inspirer sur "Spring Harvest". Le  titre le plus court (exceptés les interludes) s'accompagne d'un clip romantique et très sensuel, premier single  délivré par la formation le 17 juin 2022, dont l'instrumental très cadencé sert de matrice solide au chant affecté qui traduit une émotion à fleur de peau. Le video-clip le met en lumière  à la perfection . L'ambiance sonore évolue graduellement pour laisser place à des guitares un tantinet saturées, une basse bien ronronnante qui finit par vrombir sur ses toutes dernières notes. On confirme la qualité des lignes vocales, le placement des voix et l'aisance avec laquelle Eva articule les variations du chant plus qu'alambiquées sur l'ensemble de cet album. Une chanteuse à la technique ciselée et l'émotion chargée, ourlant avec beaucoup de délicatesse mais aussi avec une puissance magistrale quand il est nécessaire, des lignes de chants ultra précises, expressives et bien pensées. Ce que nous retrouvons dans "Cruel Nature" avec son tourbillon subtile qui embarque avec malice jusqu'à cet excellent solo de guitare. Un extrait classieux qui s'enchaîne sur l'interlude "Melt" mené par un saxo inattendu et dont la fin donne le tout premier accord du morceau suivant "La Ronce". Vous l'avez compris, Grandma's ashes aime jouer à inclure des éléments subtiles dans la construction de ce This Too Shall Pass; nombre de pistes se répondent entre elles. Leur jeu se poursuit avec le mélange des genres et des rythmiques qui ne cessent de varier en un temps record. Ayant aussi pris ma tasse de psychotonique, "Cafféïne" s'annonce étonnamment en un bpm de ralenti filmographique. Que ces nanas sont imprévisibles ; l'art de la surprise ! Et c'est sans compter les grésillements égarés en intro qui semblent être les quelques notes de guitare en fin de Aside... J'y capte même quelques structures de tango savamment délivrées (ça reste personnel). La machine de guerre Grandma's Ashes sort la grande cavalerie des rythmes et des ambiances dans ce morceau aux multiples épisodes. Les harmonies de voix sont colorées d'un grunge dépressif et morose aussitôt illuminé par la magie de l'inspiration. Un de mes coups de cœur  pour son originalité.

Suivent un  titre plus technique "Cassandra" qui sera donc plus difficile à réaliser en live d'après le trio et "Lost At Sea" plus calme, mélodieux coupé à mi-distance  par un passage puissant et violent. L'album se termine par une reprise du titre "Aside".

NOTRE AVIS :

Grandma'sAshes est sans aucun doute passé avec un brillant succès de l'étape de l'adolescence musicale à l'age adulte de la maîtrise sonore narrative. Le trio développe l'art du crossover des genres imprimant une émotion particulièrement intense dans des structures complexes et souvent imprévisibles ; l'art de la complexité dans une ambiance de fluidité et de sérénité musicale. Difficile à définir tant l'univers du groupe est assez épique. Il arbore une certaine magie : une capacité dans l'alchimie de magnifier des sentiments agréables et beaucoup moins en un univers sonore chanté, inspiré et soigné dans une idée de solution cathartique et salvatrice. La thérapie Grandma's Ashes est efficace et surtout addictive. Pour appréhender le monde artistique du trio, il faut y revenir encore et encore pour desceller les détails qui nous sont passés inaperçus (et rassurez vous, aucune condamnation à la clé).

Les ambiances sont variées, érigées sur des structures composites qui dressent un tableau des plus chatoyants, bigarrés. De multiples effets diaprés qui donnent une couleur étincelante à cet opus malgré la profondeur des sujets abordés et la dureté des émotions traitées. Le trio parisien est un trio de magiciens. 

La finitude de la matérialité n'est pas le futur programme des extra-terrestres mais le constat presque violent de Grandma's Ashes.

La relesae party de l'album se tiendra à La Maroquinerie à Paris le 14 avril prochain en partenariat avec Oui FM, et partira en tournée dans toute la France à partir du 3 mars au 26 aout. Un pack proposant une place + album (vinyle ou CD) est disponible sur la boutique officielle du groupe (pack limité à 50 exemplaires).

On va plus loin chez Ahasverus :

  • Eva : Précisément pour l'album on a beaucoup utilisé l'imagerie de la peinture classique, de la peinture baroque. Toute l'imagerie baroque. Au niveau des postures, des personnages et au niveau des symboles. Les éclairages, les ambiances. Et même du ressenti de certaines peintures qui mettent plus ou moins mal à l'aise. Moi j'aime beaucoup la peinture romantique. Füssli par exemple qui a des ambiances très très glauques. Avec des personnages qui sont décharnés, parfois c'est presque horrifique et pourtant il y a un traitement de l'image qui est très très doux. Et je sais que parfois on joue ce type de peinture-là : très romantique. On a une chanson qui s'appelle "La Ronce" et qui pour moi ne peut être qu'une peinture romantique. Elle a été créée d'après une gravure que j'ai chez moi. C'est une linogravure du studio Vaderetro qui représente une tour effondrée avec un framboisier, une énorme ronce qui passe au travers. C'était comme si ce truc m'obsédait. Cette ronce qui pousse avec des gros fruits juteux au milieu des décombres je trouvais la symbolique très intéressante. Donc beaucoup de symbolique médiévale, classique, baroque. ( photographe, une artiste belge : le Studio Derville :  cherche à reproduire des clairs-obscurs qu'on retrouve beaucoup dans la peinture flamande.)                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                
  • https://studios-ferber.com/histoire/

Les liens :

Tour grandma s ashes

 

ROCK STONER