Le yuzu est un arbre japonais rustique et très épineux. C’est aussi le nom d’une formation niçoise, et il colle parfaitement à sa musique Grunge / Stoner / Punk. Formé en août 2018, le duo Sarah Basso (Chant/Guitare) et Victor Martin (Batterie) a déjà enregistré un EP sept titres au son cru, tous potards à onze, “Radio Non-Sens”.
D’ordinaire, le yuzu ne dépasse pas quatre mètres, mais celui-ci ira beaucoup plus haut tant sa formule est au point : sens des compositions, motivation, technique et talent. Voici notre interview toute fraîche de YUZU, jeune groupe niçois à découvrir absolument.
Interview réalisée à Nice le 04/01/2019
"Auparavant j’officiais dans un groupe qui s’appelait Oxima.
Nous avions participé à un tremplin où se produisait un duo varois, DuckTape.
J’avais été très impressionnée par tout le bruit qu’ils parvenaient à faire à deux."
(Sarah Basso)
Premier album acheté ?
Victor : le Black Album de Metallica.
Sarah : Ça je n’en sais rien ! J’ai acheté tellement d’albums ! Mais je me souviens du premier que j’ai écouté par contre. C’est facile : c’était Nevermind, de Nirvana.
Comment êtes vous arrivés à la musique ?
Sarah : Par l’académie de musique de Monaco. J’étais toute petite quand ma mère m’a inscrite. J’ai fait du violon pendant dix ans. Puis j’ai voulu faire de la guitare, et ça c’est à cause de Nervermind ! Et chanter en même temps !
Victor : J’ai découvert la batterie à l’âge de douze ans. J’étais en colonie de vacances, et l’esthétique de l’instrument m’avait plu. J’ai appris les techniques de base, pris des cours particuliers durant deux ans, puis j’ai lâché durant six ans. Voici trois ans que j’ai repris.
Pourquoi avoir opté pour un duo guitare / batterie ?
Sarah : Auparavant j’officiais dans un groupe qui s’appelait Oxima. Nous avions participé à un tremplin où se produisait un duo varois, DuckTape. J’avais été très impressionnée par tout le bruit qu’ils parvenaient à faire à deux. Alors je me suis intéressée à des formations du même genre, comme les Blood Red Shoes, un très bon duo guitare/chant/batterie. Certains duos envoient sévères, et j’ai eu envie de faire pareil ! Je me suis rendue compte qu’en branchant ma guitare sur un ampli de basse, ça faisait des sons très lourds, et ça m’a encore plus intéressée !
Victor : Il y a par ailleurs un avantage à être deux : la flexibilité ! Aujourd’hui, pour qu’on réalise cette interview, je n’ai eu qu’à appeler Sarah. Les groupes à cinq ou six, c’est parfois l’horreur, il y en a toujours un qui a un truc de prévu !
Sarah : Puis il y a toujours celui qui est moins motivé que les autres, le poids qu’il faut tirer, qu’il faut porter, alors que là on est deux, et on est à fond !
Quel est votre parcours musical ?
Victor : J’ai joué dans des groupes assez longtemps après avoir commencé la musique. A l’époque, mon prof me disait que je n’étais pas prêt pour intégrer un groupe, qu’il fallait d’abord jouer carré. “Quand tu auras ta place dans un groupe, je te le dirai !” Quand il m’a donné son feu vert, je suis entré dans des formations Pop Rock assez classiques. On faisait des reprises. J’ai également intégré un Tribute à Tool, et un autre consacré à Deep Purple. J’ai même joué dans trois groupes différents, au rythme de trois répétitions par semaine. Plus tard, j’ai intégré un combo de Metal Prog’, Doctor Madness, qui faisait des compositions originales. On s’est séparés parce que les deux autres membres préparaient médecine, ce qui leur laissait peu de temps pour la musique. De mon côté, j’avais envie de m’y consacrer à fond, avec des personnes partageant la même motivation. C’est ainsi que j’ai rencontré Sarah et qu’on a commencé Yuzu.
Sarah : Moi j’ai commencé à l’académie de musique, je faisais du violon. C’était très ennuyeux, scolaire et technique. Il n’y avait aucune place pour l’expression personnelle. On me disait que jamais je n’arriverais à composer parce que j’étais trop nulle techniquement. C’était plutôt déprimant... J’ai appris la guitare presque toute seule. Ça m’a remotivée. A La Turbie, où j’habitais, j’ai trouvé dans le journal une annonce de trois jeunes et d’un prof qui montaient un groupe. J’y suis allée, toute contente. J’ai été plutôt déçue ! On ne faisait que des reprises, alors que ce dont j’avais envie, depuis le début, c’était de composer ! Ça n’a pas fonctionné, nos motivations n’étaient pas les mêmes. Certains venaient juste pour passer le temps. Plus tard, à l’école, j’ai rencontré des camarades qui voulaient faire comme moi, monter un groupe, faire des compos. On a créé Oxima. Ça a duré six ans, c’était très cool. J’ai beaucoup appris : le matériel, la structure des morceaux, les harmonies, la scène... Au début, j’étais très timide, incapable de parler devant un public. J’ai dû me faire violence : c’est moi qui chante, c’est donc moi qui dois parler. Oxima m’a beaucoup aidé pour ça... Puis le bassiste a dû aller étudier à Lyon. L’aventure s’est arrêtée là. Nous étions tous très tristes. Pendant un an j’en ai pleuré des larmes de sang, et j’ai composé. Puis soudain Victor est apparu et m’a proposé de monter ce projet avec lui. Depuis, ça va beaucoup mieux !

YUZU par Adrien Lbf.
Comment vous-êtes vous connus ?
Sarah : Sur internet ! J’avais passé une annonce. Pendant un an, aucune réponse, tout au moins aucune qui répondait à mes attentes... Jusqu’à Victor !
"J’avais envie de me rapprocher de ce qu’on entend
dans les groupes de Grunge et de Punk,
mais aussi d’incorporer de la batterie Jazz,
des paradiddle, des ghost notes..."
(Victor Martin)
Comment s’est passée l’élaboration des compositions de votre premier EP “Radio Non-Sens” (2018) ?
Victor : Personnellement j’ai juste posé la batterie, je n’ai rien composé du tout. J’ai eu 100% de liberté quant à la batterie, mais pour le reste, c’est Sarah qui a écrit textes et musique.
Sarah : Comme je l’expliquais, ça faisait un moment que j’étais seule, sans groupe. Dans mon ancienne formation, nous étions deux à composer, et j’ai eu envie de me prouver que j’étais capable de créer seule un morceau construit et cohérent.
Sarah, de quelles thématiques s’inspire ton écriture ?
Sarah : Ça dépend... En général, je parle de mes expériences. Mais je peux partir d’une métaphore un peu abstraite et rigolote pour développer une situation vers un plan plus général. Euh... Ma phrase est peut-être un peu compliquée... (Rires)

YUZU - Radio Non-Sens (2018)
Pouvez-vous me parler de l’artwork de “Radio Non-Sens” ?
Sarah : Quand on a enregistré l’EP, on s’est d’abord dirigés vers une dessinatrice rencontrée lors d’un concert, mais ça n’a pas fonctionné. Par la magie d’internet, on a eu contact avec Steven Yoyada, un Indonésien qui nous a dit qu’il nous avait vus en vidéo, et qu’il avait apprécié. Il fait beaucoup d’artworks, il est très bon ! J’en ai profité pour lui demander s’il voulait bien s’occuper de notre pochette. Je lui ai parlé du projet, il semblait enthousiaste, et il a travaillé très vite. En plus il n’est pas cher ! (Rires)
Victor : Il est vraiment excellent, je le recommande !
Sarah : Pour l’artwork, on lui a indiqué ce qu’on voulait : une fille un peu sexy dans un bureau, avec le store baissé pour faire un jeu d’ombre à la “Sin City”. Elle aurait fait une overdose de yuzus, ces fruits japonais. C’est pour ça qu’elle est par terre en train de comater !
Victor : On la voulait propre sur elle, genre secrétaire, et on tenait à la persienne typée années 80, avec la lumière qui passe au travers. J’ai toujours trouvé ça très esthétique, alors quand Sarah a proposé cette idée, j’ai été d’accord à 100%.
Quelle partie de votre activité artistique préferez-vous ?
Victor : Pour moi c’est la composition batterie. N’ayant rien composé sur “Radio Non-Sens”, j’ai pu me concentrer sur la batterie. J’avais envie de me rapprocher de ce qu’on entend dans les groupes de Grunge et de Punk, mais aussi d’incorporer de la batterie Jazz, des paradiddle, des ghost notes... Sans en faire une démonstration technique outrancière, j’avais envie d’incorporer ces ingrédients.
Sarah : Difficile de te répondre, car les défis sont très différents à chaque fois. Ecrire une chanson, c’est des mois sur une guitare à chercher la musique sans rien trouver, puis soudainement, en deux secondes, un riff qui sort, une partie de morceau qui prend forme... C’est un peu une recherche en mode détective... Pour les paroles, c’est encore différent, c’est un casse-tête.
Victor : Qu’est ce que tu préfères, du coup ?
Sarah : Mais je ne sais pas moi ! Je trouve tout ça très stimulant ! Qu’il s’agisse de l’élaboration de la musique, des paroles... Quant au reste, c’est plus du lâcher-prise.
La fée Rockette aime beaucoup votre EP. Pour vous remercier de votre contribution à la cause, elle vous propose de passer la journée avec l’artiste de votre choix. Qui choisissez-vous ?
Sarah : J’aimerais passer la journée avec Bjork. C’est une artiste fascinante ! Elle fait passer beaucoup de choses par sa musique, et j’aimerais savoir d’où ça vient vraiment, comment elle travaille, où elle travaille...
Victor : J’opterais pour le batteur de Gojira, Mario Duplantier. Son jeu m’intéresse. J’ai des progrès à faire sur la double, et comme il fait du Death, il pourrait m’enseigner un truc ou deux. (Rires) Mais ce n’est pas qu’une réponse intéressée : c’est un gars super, humainement, et j’aime beaucoup son parcours. Gojira a une carrière exemplaire. Ils ont commencé à faire du Death dans le Sud-Ouest de la France, et ils sont maintenant l’un des plus gros groupes du Monde. Je les tiens en haute estime.
Que va faire Yuzu dans les prochains mois ?

SHAKIN'STREET - Psychic (2014)
Victor : Le 15/01/2019 on a un passage à la radio Metal Hangar, de Fréjus. Le 18/01/2019, on fait la première partie d’un concert Punk au Labo 25 (Le Cannet), organisé par Punk Is Dead ASSO. Le 19/01/2018, on ouvre pour LGG " Les Grandes Gueules " Tribute To Trust et pour Shakin' Street Officiel à l’ Altherax Music de Nice. A moyen terme, en juin, on participera au Montaurock Festival, le festival Punk de Montauroux. Ultérieurement, on aimerait mettre en place une tournée d’une dizaine de dates à travers la France : Marseille, Nantes, Rennes, Brest, Lyon, Nice évidemment...
Après l’EP, avez-vous déjà des nouvelles compos ?
Victor : Mais oui, on a trois morceaux terminés, et un autre en cours.
Toujours Sarah à la composition ?
Victor : Toujours ! Elle est très motivée, et je n’ai pas envie de perturber son processus de composition car je sais qu’elle est lancée et que le résultat me plaira. Mais à l’avenir, j’ai vraiment envie d’incorporer du synthé analogique. Je pense que ce sera le gros rajout, si on devait faire un album en suivant.
Un titre Rock qui pourrait être votre devise ?
Victor : Je pense au slogan de Lemmy, Born To Lose, Live To Win. C’est clairement la citation qui me définit complètement. Quand on commence dans la musique, quelle que soit son origine sociale, on naît tous avec les mêmes cartes. On ne peut pas s’acheter une carrière. Au début, on est tous égaux, inconnus et perdants. C’est un beau combat que d’essayer de promouvoir sa musique.
Il ne reste de place que pour un album sur l’arche de Noé pour reconstruire le Rock dans la bonne direction. Lequel y placez-vous ?
Victor : Tool, Lateralus.
Sarah (après une grande inspiration qui donne bien la mesure du choix cornélien qu’on lui impose) : J’aime beaucoup de choses à la fois, alors... Je n’ai pas envie de dire Nevermind, c’est trop classique, même si c’est l’album qui est a tout déclenché chez moi... Je dirais le Song For the Deaf, de Queen Of The Stone Edge.
Le mot de la fin ?
Victor : Supportez la scène locale ! Merci pour cette interview.
Merci à Yuzu pour son accueil.
Ecouter Yuzu : https://yuzutheband.bandcamp.com/releases
Liker Yuzu : https://www.facebook.com/YUZUtheband/
Nous remercions Copyright XIX et Adrien Lbf pour leur photo d’illustration et leur aimable autorisation.