Vous ne connaissez peut-être pas Psychanoïa, groupe de Rock/Metal Prog’ formé en 2002 et originaire de Bourgogne. Son dernier opus, “Unreal Seas” (2017), est un trésor caché, preuve supplémentaire que la scène française manque non pas de talents, mais d’une rampe d’accès à des médias monopolisés par les grosses productions et leurs réseaux. L’écoute d’Unreal Seas devrait suffire à vous convaincre de la qualité de Psychanoïa. Son lien est en bas de page. Il est temps de combler vos lacunes sans plus de bla-bla : voici un entretien avec les membres du groupe. N’hésitez pas à partager leur musique autour de vous, ils le valent bien !
(interview réalisée en septembre 2018 pour HARD FRENCH METAL)
"Dès que l’on prononce le terme de « progressif »,
la plupart des auditeurs prennent peur,
s’attendent à des morceaux interminables et incompréhensibles,
à de la virtuosité permanente voire fatigante,
à de la musique “élitiste”."
(Olivier Gaudet)
Premier album acheté ?
Olivier Gaudet (guitare) : Iron Maiden, “A Real Live One”.
Thierry Charlet (batterie) : Le même jour, je me suis procuré mes deux premiers CD : un disque de Genesis (pas de la meilleure période...) et Meat Loaf - Bat Out Of Hell (je trouvais la pochette sympa, désolé pour le reste...).
Jean-Philippe Ciman (basse) : AC/DC, “Live at Donnington”.
Ivan Jacquin (chant/claviers) : Iron Maiden, “Killers” ; Metallica, “Ride the lightning” et Accept, “Restless and wild” le même jour !
Comment est né Psychanoïa ?
Oliver Gaudet : Hou là ! Vaste sujet et aventure chaotique… Autour d’un “noyau dur” composé de Thierry, de Jean-Philippe et moi-même. Nous avons écrit et enregistré le premier album avec Pierre Laplaca aux claviers. Il s’agit d’un concept album entièrement instrumental. Le second album s’est vu doté de Thomas Joufflineau au chant. Mais entre les accidents et les choix de chemins différents, ça ne “prenait pas”. Il a fallu l’arrivée magique d’Ivan pour réaliser la fusion ultime. L’équilibre était trouvé.

PSYCHANOÏA, "Unreal Seas" - 2017
Vous sortez un album instrumental en 2004, puis un LP en 2008, suivi du départ de votre chanteur comme vous l’indiquiez. Le “Psychanoïa Mark III” naît grâce à votre rencontre avec Ivan Jacquin en 2010. En 2017 sort votre troisième album, "UnrealSeas" dont la conception vous a pris quatre années. Comment s'est passé le travail de composition et qui fait quoi chez Psychanoïa ?
Oliver Gaudet : Il s’agit d’un travail collectif d’écriture. Les bases ou quelques riffs sont amenés par l’un d’entre nous et nous les mettons en forme ensemble. Une fois le “socle” posé, les arrangements sont élaborés ensemble également, puis Ivan pose ses textes dessus. A quelques exceptions près (certaines compos sont du “pur Ivan ”), Ivan rédige les textes une fois la composition posée et rodée.
Ivan Jacquin : Il faut dire que j’ai un petit stock de morceaux inutilisés depuis pas mal d’années...
Quelles sont les thèmes abordés par votre dernier album Unreal Seas ?
Ivan Jacquin : Les thèmes sont des pensées, des émotions vécues ou rêvées, en rapport avec des souvenirs, la nature, la violence, la mort, l’espoir, l’amour impossible, les désillusions entre êtres humains... “My hope” est un peu à part : c’est le dernier texte que j’ai écrit pour l’album. Cette “Power Ballad” parle de survivants humains terrés sous la surface après une décimation quelconque, et qui ont l’espoir de refaire surface un jour...
Que faisiez-vous avant Psychanoïa ?
Olivier Gaudet : Euh... Du piano, de l’orgue d’église, du headbang à fond sur une guitare…
Thierry Charlet : Psychanoïa est un groupe de longue date, puisque le projet a démarré lorsque nous étions étudiants. Il a évolué à son rythme et à sa sauce, en parallèle d'autres projets menés par les uns et les autres. Donc avant... J'apprenais à me raser (j'ai échoué) et je faisais encore du sport !
Jean-Philippe Ciman : J’étudiais la contrebasse dans une école de musique. Puis j’ai découvert naturellement la basse ce qui m’a amené à rencontrer Thierry et Olivier dans mes années lycée – avant même que le groupe ne s’appelle Psychanoïa.
Ivan Jacquin : Je faisais partie de plusieurs groupes Rock, Prog’ et Metal (Projekt One, Project Rage, Amonya, Hommage symphonique à Pink Floyd...) jusqu’à ce que je sois invité à une fête d’anniversaire et que je partage la scène avec ces hurluberlus à chanter du Maiden, Dream Theater, Metallica, Queen... Hélas, nous nous sommes instantanément très bien entendus...
Qu'est-ce qui vous plaît le plus dans votre activité artistique ?
Olivier Gaudet : La composition, l’écriture, le live et… la liberté de jouer et d’écrire ce que l’on veut vraiment et profondément !
Thierry Charlet : J'apprécie le moment fugace où, que ce soit en jouant avec les autres ou en travaillant sur les morceaux, les concepts, etc, les éléments semblent tout à coup s'imbriquer de façon naturelle, évidente, et où l'on oublie la théorie, la technique, le corps, pour se laisser totalement porter par les émotions. Quand on passe d'une somme d'éléments discrets à un ensemble continu et fluide... C'est ce moment "d'extase" (pour ne pas le qualifier autrement...) qui me fascine et que je recherche dans la musique et l'art en général.
Jean-Philippe Ciman : Le plaisir de jouer de la musique est une sensation de liberté, on se sent hors du temps. Il nous arrive souvent de jouer en impro pendant près d’une heure en ayant le sentiment d’avoir joué 5 minutes ! La composition est une partie très intéressante et motivante, elle permet d’exprimer des choses qui ne pourraient pas sortir par un autre moyen.
Ivan Jacquin : Je préfère nettement la scène, le partage avec le public et cette sensation d’être toujours sur la brèche (en temps que chanteur), mi-stressé mi-en transe, oubliant le temps et le reste du monde, ne vivant que pour l’instant présent. La composition par contre est un processus douloureux pour moi car je suis un ultra-perfectionniste et un éternel insatisfait (surtout avec moi-même). Répéter ensemble est très salvateur mais pour toujours avoir à l’esprit le but ultime qui est de diffuser sa musique par la suite... Ne pas s’enterrer et se renouveler... heu, je crois que j’ai perdu le fil de la question... Désolé !
Le Prog' Metal bénéficie-t-il de la même exposition que le reste de la scène Metal ?
Olivier Gaudet : Malheureusement non. Dès que l’on prononce le terme de « progressif », la plupart des auditeurs prennent peur, s’attendent à des morceaux interminables et incompréhensibles, à de la virtuosité permanente voire fatigante, à de la musique “élitiste”, bref, aujourd’hui, ce terme semble presque péjoratif.
Thierry Charlet : Je ne pense pas non plus. Effectivement les préjugés sont tenaces, car le terme « progressif » englobe tout et n'importe quoi, et pas seulement de la musique pour initiés. Selon moi, cela devrait juste être une invitation au voyage, et ce sans forcément respecter certains codes, pour la plupart issus des formats radio. Aujourd'hui, tout ceci n'a plus trop de sens... Je ne vois pas en quoi des groupes comme Radiohead ou The Mars Volta seraient moins "progressifs" que Porcupine Tree sur certains disques. A croire qu'il faut refuser cette étiquette au profit d'alternatif, indépendant ou “post-machin je ne sais quoi” pour ne pas brusquer...
Ivan Jacquin : Mes acolytes ont tout dit, je ne préfère pas m’étendre sur le sujet car je suis tellement déçu et en colère de la diffusion de cette musique, et d’ailleurs de tout style de musique en France, que je vais devenir cynique et déprimé...
Quel est votre regard sur la scène Prog' française ?
Olivier Gaudet : Comme dans tout “genre” musical, il y a fort heureusement des pépites en France (comme ailleurs), des groupes comme Nemo ou Lazuli sont tout juste exceptionnels. Mais cette scène est sous-exposée et quasiment absente des festivals “généralistes” pour faire découvrir cette musique à plus de monde.
Thierry Charlet : J’adore Klone également, mais demandez à votre voisin s'il connait...
Il ne reste qu'une place sur l'arche de Noé du Rock pour tout reconstruire dans la bonne direction. Quel album faut-il sauver ?
Olivier Gaudet : “OK Computer”, de Radiohead.
Thierry Charlet : Meat Loaf , “Bat Out Of Hell” ? Sans blague, il y a tellement de classiques, c'est juste impossible de choisir et j'espère que les autres en citeront... J'opterai donc pour l'originalité avec A Perfect Circle, “Thirteenth Step”. C'est le genre de disque que j'apprécie tout autant en me laissant porter qu'en l'analysant de plus près. Le genre de disque où tout te correspond, où tu te dis “Merde, si j'avais été talentueux, c'est moi qui aurai dû l'écrire et jouer dessus !”
Jean-Philippe Ciman : Si on parle de rock, j’hésite entre “Themata” de Karnivool et “Sonic Highways” des Foo Fighters. Ce sont des albums assez récents mais qui me correspondent bien.
Ivan Jacquin : Juste un album à sauver ? C’est une torture ! Impossible ! “Seventh son of a Seventh Son” de Maiden, “Master of Puppets” de Metallica, “Brave” de Marillion, “Monolith” de Kansas, “Selling England by the Pound” de Genesis, “Operation Mindcrime” de Queensryche, “The Wall” de Pink Floyd, “Keeper of the seven keys” I & II d’Helloween, “Human Equation” d’Ayreon... Je ne peux choisir...
Pour te remercier de ta contribution à la cause, la fée Proguette te propose de passer une journée avec l'artiste de ton choix, toutes catégories et époques confondues. Qui choisis-tu ?
Olivier Gaudet : Peter Gabriel pour les vivants, Jean-Sébastien Bach pour les morts.
Jean-Philippe Ciman : Marcus Miller bien sûr, j’aurais tellement de choses à apprendre à lui !
Thierry Charlet : Sting, sans hésitation. Et si l'un de ses excellents batteurs traine à ses côtés pour me donner quelques tuyaux, je suis preneur également...
Ivan Jacquin : Mozart si je pouvais le faire renaître... Il aurait eu tant d’autres choses à composer s’il avait vécu plus longtemps... Et Sting... !!! C’est un artiste si talentueux, un génie et un homme très bon, à ce que j’ai entendu.
Quelle est votre actualité dans les mois à venir ?
Thierry Charlet : Malheureusement, elle est bien calme, faute de dates. On réfléchit à d'autres façons d'aborder les choses pour accrocher davantage les organisateurs et le public. Sur le plan créatif, pas de souci, on a toujours des trucs dans les tuyaux et l’envie d'explorer, mais encore faut-il qu'on puisse les jouer... Ceci est un appel désespéré !
Ivan Jacquin : En effet, nous cherchons des dates pour nous exprimer et nous faire connaître par le plus de monde possible. Des premières parties, des café-concerts, des bars. Nous allons enregistrer d’ailleurs quelques reprises assez incongrues mais assez connues pour pouvoir démarcher autrement, plus facilement j’espère, et nous travaillons bien sûr sur le quatrième album à venir.
Un titre du répertoire Rock qui pourrait être la devise de Psychanoïa ?
Olivier Gaudet : “Thin Roads to Nowhere”(NDLR : de Psychanoïa)
Thierry Charlet : “Arriving Somewhere But Not Here”, de Porcupine Tree.
Ivan Jacquin : “Keep The Faith”, de Bon Jovi.
Merci à Psychanoïa pour son accueil et sa disponibilité. Merci à Tony Erzebeth qui m’a permis de découvrir ce groupe.
Les photographies sont de François Laurent et Bénédicte Bigot. Je les remercie pour leur aimable autorisation.
Découvrez Psychanoïa sur Bandcamp. L’album y est à tout petit prix : https://psychanoia.bandcamp.com/releases
Pensez à liker leur page : https://www.facebook.com/psychanoia/
Psychanoïa cherche des dates. Contactez-les en MP sur la page du groupe.
A découvrir également : “FOREIGN - The symphony of the wandering jew Part I”, l’opéra Rock Metal d’ Ivan Jacquin, le claviers/voix de Psychanoïa. Vous le trouverez sur toutes les plateformes : http://www.upmystore.com/album-3103-The_symphony_of_the_wandering_jew_Part_I.html