Après Nesrine Mahbouli, c’est au tour de Fedor Fedor Kovalevsky de rejoindre les rangs de Cartagena, l’un des meilleurs groupes du Metal tunisien actuel, et probablement l’une des plus grandes formations du Metal Orchestral international en devenir. Retour sur leur parcours et perspectives sur un groupe inarrêtable dont les Alpes ne suffiront plus à vous protéger.
“Nous ne sommes pas un groupe
qui se réunit juste pour le boulot,
nous sommes une Famille,
pour le meilleur et pour le pire.”
Bonjour Cartagena. Pouvez-vous en quelques mots décrire votre univers à des lecteurs qui ne vous connaîtraient pas ?Cartagena : Cartagena est un groupe de Metal Progressif Orchestral situé en Tunisie sur la côte sud de la mer Méditerranéenne, anciennement Carthage, d'où son nom et son inspiration. Le groupe a été créé en 2006 et depuis, nous expérimentons et recherchons de la musique folklorique, du métal et de la musique de films. Au fil des années, nous avons eu envie de créer un type de musique inhabituel, en fusionnant un contenu folklorique varié du monde entier dans un contexte modernisé et unifié. Cartagena est plus qu'un groupe, nous sommes une Famille.
En janvier 2018 sortait votre deuxième album, l'ambitieux Roma Delenda Est. Quel en était le concept ? Cartagena :Roma Delenda Est évolue à travers les chapitres du voyage d’un seigneur de guerre, racontant à ses petits-enfants une version alternative de la vérité sur ses combats aux côtés de Hannibal contre l’empire romain, la gloire, la renommée et les retombées. Nous trouvons l’histoire de Carthage particulièrement fascinante, les réalisations de héros comme Hannibal Barca ont fait écho pendant des siècles. Monter des éléphants, traverser les Alpes et conquérir les mers avec des navires ingénieusement conçus... Roma Delenda Est a été l’occasion pour nous de tirer parti de l’expansion de Carthage pour visiter, dans chaque morceau, une terre, une culture et un thème spécifiques. Pour les ajouter à notre collection, nous avons exploré une grande variété de saveurs musicales tirées d'anciens sons et paroles exotiques berbères, à travers des mélodies galliques et des rythmes orientaux, jusqu’à des thèmes asiatiques colorés ... Nous avons plongé avec soin dans la vie de notre personnage principal pour ajouter de la profondeur à l’histoire, des émotions et une épopée, donner plus d’empathie, comme une expérience cinématographique. Nous avons produit (composé, enregistré, mixé et masterisé) l'album dans notre studio personnel, avec nos propres moyens, et nous le jouons actuellement en direct.
Il y a eu des mouvements dans votre formation depuis la sortie de Roma Delenda Est. Pouvez-vous nous présenter votre nouveau line-up ?
Nesrine Mahbouli
Cartagena : Effectivement, lors de la création de Roma Delenda Est, le groupe était composé de Seif Kechrid, Bessadok Mourad, Chams Kouki, Ahmed Mkaouar et Sherazade Ammous au chant. Sherazade a laissé place à la fameuse Nesrine Mahbouli, la chanteuse d'opéra et ex bassiste de Persona. Puis, à son tour, notre guitariste soliste à laissé place à Fedor Kovalevsky pour des raisons personnelles : notre cher Ahmed s'est installé définitivement à Berlin, accompagné de sa femme à qui on souhaite tout le Bonheur du monde.
On connaît Fedor pour Vielikan, Omination ou Severe Agony, projets plutôt orientés Death Metal. Comment est-il arrivé dans Cartagena ?
Fedor Kovalevsy
Cartagena :Fedor a été très soigneusement sélectionné par les membres du groupe Cartagena. Nous avons des conditions un peu strictes vis-à-vis des nouveaux membres. Ils doivent impérativement convenir au groupe et à nos attentes, qui ne s'arrêtent pas qu'au coté technique, mais s’intéressent également au coté humain. Être un excellent musicien qui maitrise son instrument ne nous suffit pas, nous ne sommes pas un groupe qui se réunit juste pour le boulot, nous sommes une Famille, pour le meilleur et pour le pire. Il se trouve que Fédor est l'élu Parfait qui répond à toutes nos attentes. Fedor est quelqu'un de très aimable, sérieux, et qui comprend Parfaitement et profondément la fraternité extraordinaire entre les membres de Cartagena. Cerise sur le gâteau : Fedor à annoncé qu'il a toujours été fasciné par le groupe, et l'approche entre lui et Cartagena s'est faite en toute douceur, et nous l'avons accueilli avec plaisir.
Nesrine a remplacé Shérazade Amous au micro après la sortie de l'album, et on a pu admirer ses prestations live dans des vidéos postées sur votre page Facebook. Peut-elle nous parler de son parcours artistique ? Nesrine Mahbouli : Mon parcours musical a commencé avec la guitare basse. Depuis 2010, j'ai rejoint plusieurs groupes locaux et joué de différents sous-genres de Metal : Metalcore/Deathcore, Death Metal, Black Metal, Metal Symphonique et Metal Alternatif. Je n'ai découvert cette passion de chant en moi que lorsque j'avais presque vingt ans, c’est-à-dire il y a environ cinq ans. Au début, j'ai commencé avec la musique celtique/nordique, la musique de films, de séries télévisées et de jeux vidéos. Je ne suis pas gamer? non, (Rires), mais je suis tombée amoureuse de la musique de jeux grâce à mes cousins gamers avec qui je passais beaucoup de temps. J'ai commencé par créer un compte Soundcloud pour poster des reprises de bandes originales de films ou de jeux vidéos, et puis j'ai travaillé quelques vidéos home-made, a capella ou avec une guitare acoustique pour enfin les partager sur Facebook, Instagram et Youtube. Petit à petit, je me suis intéressée au chant lyrique, et plus précisément à l'opéra. J'ai commencé à apprendre seule avec des cours et des exercices en ligne, et puis, après deux ans, j'ai rejoint un atelier de chant lyrique dirigé par la brillante soprano bulgare, Mme Hristina Hadjieva, à l'Institut Supérieur de Musique de Tunis, et depuis je travaille avec elle pour différents projets de concerts lyriques. Concernant mes études, je n'ai commencé le conservatoire qu'à la fin de l'année 2016, mais avant ça j'ai quand même terminé mes études en art visuel et en publicité graphique. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je suis très contente d'avoir rejoint Cartagena, puisque je peux employer non seulement mes capacités musicales, mais aussi mon savoir en design image.
Nesrine est sprinto soprano, je crois ? Elle officiait auparavant en tant que bassiste dans Persona ou, étonnamment, ses extraordinaires capacités vocales n'étaient pas sollicitées. Comment vous est venue l'idée de lui confier le poste de chanteuse ? Cartagena : Comme pour Fedor, nous avons des exigences et des conditions. Nous avons établi une liste très étudiée des voix Tunisiennes qui s'offraient à nous. En effet, il ne suffit pas d'avoir une voix magnifique : nous avons un timbre très spécifique. N'importe quelle voix magnifique ne peut pas se marier avec notre style et nos gammes, donc nous avons sélectionné Nesrine parmi d'autres noms, et il s'est avéré qu’elle était un choix Parfait. Nous l'avons invitée au studio, elle était aux anges, et nous nous sommes rendus compte que Nesrine ne pouvait que faire partie de la Famille, vu sa nature souriante, son amour pour la musique, sa disponibilité, son expérience, sa voix et son timbre magnifiques, et son admiration pour notre groupe.
Le chant tel que le pratique Nesrine dans Cartagena nécessite-t-il une technique différente de celui qu'elle met en place dans ses concerts lyriques ? Nesrine Mahbouli : Pour moi, la technique de chant lyrique sera toujours la base à laquelle je reviendrai toujours. Avec Cartagena, par contre, j'ai choisi de diversifier les techniques et d'expérimenter encore plus avec ma voix en employant différentes couleurs comme le scream, le falsetto et surtout la voix de poitrine, puisqu'avec Roma Delenda Est je me suis trouvée face à une immense diversité d'ambiances et de gammes de différentes origines, ce qui m'a encouragé à improviser à ma propre façon, en utilisant le plus possible de mon registre vocal, que ce soit en bas ou en haut.
CARTAGENA avec son nouveau line-up : Chamseddine Kouki, Seif Kechrid, Nesrine Mahbouli, Fedor Kovalevsky et Mourad Bessadok.
Cartagena est formé de musiciens virtuoses et expérimentés, et on a hâte d'entendre le nouveau line-up sur le futur album. Où en êtes-vous de son élaboration ? Cartagena :En ce moment nous sommes sur trois projets : l'un consiste a composer deux ou trois singles d'ici la fin 2019 ; des covers (modifiées à la sauce Cartagena) ; enfin le troisième album qui sera prêt fin 2019 début 2020 si tout va bien.
Quel souvenir gardez-vous du Female Metal Event d'Eindhoven auquel vous participiez en octobre 2018 ? Cartagena : Nous gardons à l'unanimité un souvenir extraordinaire du Female Metal Event 2018. C'était une expérience exceptionnelle, avec des gens qui le sont autant ! Une équipe professionnelle que nous remercions pour cette extraordinaire aventure. Nous avons été très chaleureusement accueillis. Le public était “choqué” de notre prestation et a beaucoup parlé de nous, au point que les organisateurs nous invitent pour une deuxième participation au Female Metal Event 2019, au Main Stage, et pour une tournée de cinq dates environ qui se déroulera aux Pays-Bas et en Allemagne.
Quelles sont les bonnes résolutions de Cartagena pour 2019 ?
Cartagena : 2019 sera l'année des nouveautés pour Cartagena. Effectivement les singles et les cover vont nous plonger dans un horizon plus élargi. Nous allons essayer de signer le plus de tournées possible, des clips, et des sponsorings qui vont suivre comme la multinationale "Smok" qui nous a fait confiance et qui a fait de nous le sponsor officiel. Nous allons passer à la vitesse supérieure !
Merci Cartagena de nous avoir accordé cette interview. Cartagena :Merci à vous aussi cher Ahasverus Cornelius pour l'attention que vous nous portez, vous êtes un fidèle partenaire du groupe.
Dans une première partie d'interview, Seyminhol nous expliquait le contexte de la réalisation de l'album "Northern Recital" (2002). Dans cette suite, le groupe d'Algrange s'attache à l'album proprement dit et à son impact.
"Un volume sonore à ressusciter les Guerriers du Valhalla..."
Passionné d'histoire, Kevin s'est intéressé à l'expansion et à l'évangélisation du futur empire franc. Parce que c'est une thématique qui colle bien au Metal ?
Julien (batterie) : La thématique des Vikings et de la guerre païens/chrétiens colle bien au métal. Kevin est aussi croyant et c'est sans doute tout cela qui l'a fait écrire sur ce sujet. Nico (guitares, claviers) : Je pense surtout que cette thématique lui a toujours été propre. Je l'ai toujours entendu disserter de la civilisation Scandinave, de l'amalgame «sanguinaire» souvent propagé à tort à propos d'une culture avant tout marchande. Sa culture a fait le reste, surtout que, comme je le disais précédemment, peu de groupes mélangeaient à cette époque l'histoire (la culture) et la musique.
Kevin fait les textes, Nico la musique. Lequel s'adaptait à l'autre ?
Julien : C'était vraiment un travail d'équipe. Kevin donnait le thème général et le contexte pour que Nico puisse commencer à composer. On affinait ensemble une fois les textes terminés. Nico : Tout à fait. Kévin posait les bases écrites en détaillant le concept : temps forts, calmes, narrations... et je composais en conséquence. Ensuite tout était décortiqué et retravaillé en répétition, de façon à ce que chacun apporte sa contribution et surtout son avis.
Vous utilisez des instruments particuliers pour renforcer le côté "nordique" de cet opus...
Nico : Pas mal d'instruments ont été martyrisés durant cet album (mais encore plus sur le suivant), des percussions, des instruments à cordes médiévaux... Julien :Et nous avons fait jouer deux cornemuses sur certains titres. Un meilleur souvenir pour nous que pour l'ingé son… Nico : C'est clair ! Un volume sonore à ressusciter les Guerriers du Valhalla...
Photo d'archive fournie par Seyminhol
Le perfectionnisme dont est empreint Northern Recital (cf. les bruitages ou le livret avec l'histoire en Anglais et en Français...) deviendra une marque de fabrique de Seyminhol. Le mieux n'est-il pas l'ennemi du bien ?
Kévin (chant) : Non, il fallait montrer qu'un groupe français pouvait se hisser au niveau des grosses productions européennes et était en mesure d'aller taquiner les Allemands, les Italiens et les groupes anglo-saxons sur ce style. Nous voulions être estampillés groupe historique qui fait du travail sérieux. Et pour ça des cartes, une histoire, des faits explicités nous paraissaient essentiels.
La carte de Northern Recital. Julien : Tout ceci faisait intégralement partie du processus de création. Nous voulions aller au bout de notre idée. Le seul coté négatif était le coût d'un tel objet. Tant pour la création que pour l'impression. Nico : Par la suite, on a suscité une réelle attente, musicale, mais également artistique. Celle-ci nous a mené au superbe Digipack proposé sur «Septentrion's Walk».
L'artwork est réalisé sur vos indications ?
Kévin : Bien entendu. C'est Greg Lé, un ami graphiste, qui réalisait toutes nos pochettes de l'époque. Il avait lui aussi cet amour de l'heroic fantasy, des films épiques comme Conan le Barbare, Braveheart ou le Seigneur des Anneaux (nous étions en plein dedans) et il a largement contribué à façonner l'imagerie du groupe. Nous avions des backdrops dessinés par lui sur scène, des boucliers vikings en décoration près des amplis et un style bien adapté à notre musique. Nous ne laissions vraiment rien au hasard. Julien : C'est surtout Kevin qui a veillé à ce que tout colle bien aux légendes Nordiques. Pour le rendu général nous sommes vite tombés d'accord tant le travail de Greg était bon.
"Il y a une fougue, une envie et beaucoup de potentiel d'une manière générale sur cet opus."
Quelles sont les qualités et quels sont les défauts de Nordic Tales ?
Kévin : A mon sens, il y a très peu de défauts sur ce disque, excepté peut-être le son. Il y a une différence entre les deux premiers chapitres et la dernière partie issue de "Nordic Tales". Cela est dû au style des différents guitaristes qui ont interprétés les titres et aux orchestrations plus poussées lors de la composition des nouvelles parties de "Northern". Julien : Difficile d'être objectif… mais je pense qu'une des qualités est l'ambiance générale, on peut vraiment s'immerger dans l'album. La production aurait mérité plus de moyens pour être aux standards internationaux de l'époque, bien qu'il s'agisse d'un sacré tour de main pour un si petit studio ! Kévin : Pourtant il y a une fougue, une envie et beaucoup de potentiel d'une manière générale sur cet opus. Mon chant est très différent de tout ce que j'avais pu faire par le passé. Je fais des chœurs, des narrations et j'utilise vraiment pour la première fois toute la tessiture de ma voix.
D'un point de vue de l'histoire également, on est vraiment sur un concept très novateur. Ce sera la marque de fabrique de Seyminhol. Nico : Peu de défauts, c'est un album frais, original avec de superbes moments. Effectivement, le son aurait pu être meilleur avec un budget bien plus conséquent...
"Je croyais dur comme fer que cette fois-ci c'était la bonne."
Il vous permet d'ouvrir pour Royal Hunt, Blaze Bailey, Virgin Steel, Clawfinger... Seyminhol entre dans une nouvelle dimension ?
Kévin :Mon rêve devenait réalité. On côtoyait certains de nos groupes favoris, les gros magazines et les fans étaient au rendez-vous et très nombreux à nous suivre. On participait à des festivals et des contacts sérieux nous laissaient présager le meilleur pour la suite. Je croyais dur comme fer que cette fois-ci c'était la bonne et que nous allions y arriver. Pourtant, des arnaques, des promesses non tenues (contrat avec NTS qui n'a pas abouti et qui aurait permis au groupe d'être mieux diffusé en Europe) et un manque d'argent ont contribué à nous faire redescendre rapidement de notre nuage. Le retour à la réalité a été très difficile. Ce qui explique la durée de réalisation entre "Northern Recital" et "Septentrion's Walk", là où nous aurions dû sortir un nouvel album dans la foulée pour profiter des exceptionnels retours reçus sur "Northern". Julien : Toutes ces opportunités nous ont appris énormément. On se «professionnalise» en jouant sur de belles scènes. C'est ici qu'on voit la limite de notre label. Nous avons dû le plus souvent trouver les dates nous mêmes grâce à un réseau local. Nico : On voit nos tronches dans des mag nationaux, voire internationaux, sur des samplers, dans la rubrique des meilleurs espoirs. Là tu te dis vraiment que tu as bossé dur pour quelque chose.
Quel était l'accueil critique de l'album ?
Kévin : Colossal dans de nombreux pays européens. Certains magazines pensaient que nous étions signés par un gros label et que nous vivions de notre musique. Or, nous étions tous étudiants, salariés ou en passe de le devenir. Des discussions avec des groupes étrangers ont aussi contribué à nous ouvrir les yeux sur le monde du business et de la musique. Certains groupes que nous pensions pro ne gagnaient pas assez d'argent pour vivre. Ils étaient obligés de donner des cours de musique, de travailler à côté dans des bars ou sur des projets qui étaient à des années lumières de leur quotidien musical. Bref, il y a peu d'élus et encore moins lorsque l'on est français. Mais en 2002-2005, il y a avait malgré tout encore des possibilités et de l'espoir. Julien : A l'époque l'essentiel se faisait dans la presse papier, et c'était dingue de voir l'album dans des magazines internationaux. Nico : Si on compare à l'époque actuelle, on peut vraiment se dire que l'album a bien circulé et voyagé (et surtout sans mettre la main à la poche, chose ultra courante aujourd'hui...). Hormis les quelques défauts de «jeunesse» les médias ont reconnu cette originalité et ce mélange heureux entre histoire et musique.
"Après cet album, notre vision de la musique a complètement changé."
Quid de l'accueil public ? On dit qu'il s'écoulera à plus de 12500 exemplaires mais que vous abandonnez les droits pour la Russie pour un cachet de... cinq cents dollars !
Kévin : Le public était présent à tous nos concerts. Je me souviens de soirées mémorables, avec des séances d'autographes à n'en plus finir. Des séances photos, des demandes d'interviews en rafale. Bref… Une autre époque. Pour les arnaques dont je parlais, le plan avec un label russe a été la cerise sur le gâteau. On a cédé nos droits pour cinq cents dollars, en effet, et l'album s'est écoulé dans les Pays Baltes, en Russie et jusqu'en Finlande, à plus de 12500 exemplaires. Une anecdote réelle à ce sujet m'a été comptée par notre ancien guitariste, Éric, qui n'était plus dans le groupe en 2003. Il travaillait pour Goodyear au Luxembourg et se trouvait régulièrement en déplacement en Europe dans le cadre de ses activités. Un jour, alors qu'il travaillait en Finlande, autant dire dans le trou ….. du monde, il s'est trouvé dans un bar dont le jukebox passait notre album. Un pur délire… Julien : Les gens étaient très enthousiastes aux concerts. Pour le reste, à l'époque, j'étais une jeune recrue et je ne m'occupais pas de cela. Nico : On a conclu ce deal afin de propager au maximum notre musique, afin de pouvoir plaire à un label étranger. L'argent de nous semblait pas (à l'époque) si dérisoire que ça. En fait , le souci est que l'on ne savait pas avec exactitude combien de CDs se vendraient en Russie. On était loin de la vérité.
"Northern Recital" me semble la pierre angulaire de la carrière de Seyminhol. Il orientera toute la suite de son parcours. Et pour vous, quelle est sa place dans la carrière de Seyminhol ?
Kévin : Sa place est fondamentale dans l'histoire de Seyminhol. Il nous a fait grandir musicalement et, après cet album, notre vision de la musique a complètement changé. C'est l'album dont je suis le plus fier avec "The Wayward Son" paru en 2015. Deux disques épiques, très symphoniques, avec une histoire forte. J'en suis fier parce qu'ils sont très originaux et un peu expérimentaux finalement dans leur forme. "Ophelians fields" est aussi un très bon album mais il est plus progressif, plus difficile d'accès. Susceptible de diviser. Julien : Cet album est très important dans ma vie de musicien. C'est mon premier enregistrement, mes premières vraies scènes. Dans la carrière du groupe il marquera le passage du heavy metal au metal symphonique. Chris (basse) : Tout à fait : la naissance du «nouveau» Seyminhol. Nico : A titre personnel, c'est l'album qui m'a permis de prendre conscience que j'étais capable de composer un album complet et varié et d'y mettre mes tripes.
"Je ne sais pas s'il y aura un jour un nouvel album. Est-ce d'ailleurs attendu ? "
Conseilleriez-vous cet album pour découvrir l'univers de Seyminhol ?
Chris : Comme bande son d'une série à succès sur les Vikings par exemple... Kévin : Absolument, bien que je conseillerais davantage "The Wayward Son" parce qu'il est plus homogène, plus abouti, et qu'il réunit tout ce que nous savons faire de plus dramatique dans le symphonique. "Wayward" est plus gothique, symphonique, là ou "Northern Recital" incarne le power metal epique fortement empreint de rythmiques heavy metal traditionnelles.
Pour moi "The Wayward Son" est plus moderne, alors que " Northern Recital " est à la fois moderne pour son époque et pleinement enraciné dans une tradition inspirée par la NWOBHM. Le travail énorme fait sur les orchestrations et l'ajout de synthétiseurs ont donné à "Northern Recital" les caractéristiques d'un album novateur, par rapport au heavy traditionnel, mais il reste malgré tout ancré dans un style déjà pratiqué par Manowar ou Virgin Steele à la fin des eighties. Julien : J'adore cet album mais je conseillerais peut-être le suivant, "Septentrion's Walk". La production est meilleure et l'album plus homogène grâce à un line-up stable. Nico : Pour découvrir notre univers tout à fait. Après, je rejoins Kévin quant à la maturité et l'homogénéité de «The Wayward Son», album produit à 100% par le groupe contre vents et marées...
Seyminhol, "The Wayward Son" (2015)
Seyminhol a mis un terme à sa carrière l'année dernière. Que faites-vous maintenant ?
Kévin : Personnellement, je ne fais plus grand chose. J'ai un projet en sommeil avec Symakya mais il sera difficile d'enregistrer cet album rapidement bien qu'il soit terminé (concept et compositions). J'ai arrêté Seyminhol par manque de temps mais aussi par lassitude. Je ne me reconnais plus dans la société actuelle. Elle est éphémère, inintéressante, quasi millénariste. Et donc je n'accroche pas non plus à la scène musicale émergeante. Il n'y a plus de groupes capables de me faire vibrer. J'écoute donc d'autres styles de musique. Pour Seyminhol, je ne sais pas. Je ne souhaite plus faire de concerts et Nico aime la scène, donc c'est très compliqué. Un véritable dilemme. Je ne sais pas s'il y aura un jour un nouvel album. Est-ce d'ailleurs attendu ? Je n'en suis pas sûr… Vanité tout est vanité… Peut-être la conclusion à toute cette aventure humaine. Julien : J'avais déjà quitté Seyminhol avant la fin du groupe. J'ai monté un nouveau projet, We Are Electric, et nous venons de sortir notre premier album «Nipples Erection». Nico : Une nouvelle aventure est en route avec Chris. Un groupe de Hard Rock chanté en Français, Antechaos, dont nous espérons sortir un album courant 2021, avec beaucoup d'ambition.
Merci en tout cas pour cette interview et pour l'intérêt que tu portes à cet album et à l'histoire de notre groupe. On espère te croiser bientôt et sortir de ce merdier au plus vite ! Merci Seyminhol d'avoir bien voulu m'accorder cette interview.
Seyminhol, 1989-2019. Trente ans de métal, cinq albums, quelques EP, une marque de fabrique, signe d'ambition et de qualité.
Le groupe d'Algrange, qui ne connaît pas la langue de bois, a accepté de revenir sur l'album "Nothern Recital", (2002), qui devait influencer la suite de sa carrière.
Cette interview "Back to the roots" est réalisée en deux parties : dans la première, nous verrons le contexte dans lequel "Nothern Recital" est sorti ; dans la seconde, Seyminhol nous parlera de La réalisation et de l'accueil de cet opus, ainsi que de sa place dans leur discographie.
Seyminhol 2002 - de gauche à droite Chris, Julien, Nico et Kevin.
"Nous avons réalisé que le groupe prenait un nouveau virage."
Ahasverus : Pour commencer j'aimerais situer "Nothern Recital" dans son contexte : il sort en 2002. C'est le quatrième opus de Seyminhol, mais le premier au format "album". 2002, c'est l'année de sortie du "Rock In Rio" de Maiden, du "Reroute to Remains" d'In Flames et de "Six Degrees of Inner Turbulence" de Dream Theater. La France adopte l'Euro, le Front National accède pour la première fois de son histoire au deuxième tour des élections présidentielles contre Jacques Chirac. Comment se porte la scène française et où situe Seyminhol, en cette période ?
Kévin (chant) : L'origine de "Northern Recital" est réellement à rechercher en 1998 lorsque nous préparions notre MCD "Indian Spirit". Sur cet album, le titre "Fury of the North" annonçait vraiment notre virage heavy metal alors que le reste du mini album était très orienté hard rock FM voire rock français (seuls quelques titres ont été conservés à l'époque alors que nous avions composé un véritable album). Mais ce virage il fallait l'amorcer et, surtout, il fallait pouvoir le faire. En 2000, après une énième séparation du groupe (déjà à l'époque), et le flop du MCD précité, il était temps d'évoluer. Je rêvais de faire du power metal symphonique à la Rhapsody qui était le groupe du moment et les anciens membres étaient plutôt ouverts à cette idée. En France, il n'y avait rien dans le style à l'exception de Dyslesia ou d'Heavenly.
Seyminhol, "Indian Spirit", (1998)
"Le thème développé, les Vikings, était très novateur en ce temps-là. Nous étions sûrement les premiers à proposer cette thématique dans le style avec un concept historique aussi fouillé."
En tous cas ces deux formations avaient une forte visibilité. Il fallait donc oser parce qu'il y avait encore de la place pour ce genre de métal et qu'il y avait des labels prêts à nous suivre. Le seul problème était les musiciens. Marco (guitariste) était un excellent soliste très inspiré par Malmsteen, Éric (second guitariste) avait un superbe jeu bluesy et savait s'adapter à tout mais ils n'étaient pas du tout prêts à trop évoluer. Nous n'avions pas de clavier, ni même un batteur capable d'assurer sur un style si particulier qui demandait beaucoup de double grosse caisse. C'est donc le moment où Julien Truttman nous a rejoints - un jeune très talentueux qui écoutait Dream Theater en boucle – et où j'ai proposé à Nicolas Pélissier - avec lequel je jouais dans Heresy (projet prog metal trop ambitieux…) - de nous rejoindre dans Seyminhol comme claviériste.
Il avait un très bon niveau, les idées pour modifier complètement notre son et les mêmes envies que moi. C'est donc lui qui a donné cette première couleur symphonique à nos morceaux, cette impulsion salvatrice. Le MCD dont je parle a ouvert la porte à "Northern Recital" et c'est sur ce premier album que l'alchimie entre Nico et moi a commencé à fonctionner. Il a composé une grande partie du disque et a donné un son plus moderne et une identité différente au groupe. Ce qui a engendré des tensions avec nos deux guitaristes de toujours (Nico était lui-même guitariste et il avait des idées bien arrêtées sur le style à développer).
Bref, nous étions malgré tout gonflés à bloc, sûrs de bouger les lignes avec ce disque qui, avec le recul, a fait l'effet d'une bombe à sa sortie. Il faut dire que le thème développé, les Vikings, était très novateur en ce temps-là. Nous étions sûrement les premiers à proposer cette thématique dans le style avec un concept historique aussi fouillé. Julien (batterie) : Tout cela est vieux, j'étais encore un jeune étudiant à l'époque. Il me semble que cela bougeait plus que maintenant. Il y avait encore plein de cafés-concerts où voir jouer des groupes régulièrement.
"Je savais qu'il fallait tout changer : visuel, logo, style vestimentaire, son, ambiance. Bref, entrer dans les années 2000."
Seyminhol affiche donc de nouvelles ambitions et s'ouvre de nouvelles perspectives ? Kévin : Comme je te le disais plus haut les ambitions étaient fortes pour ce qui me concerne. Je savais qu'il fallait tout changer : visuel, logo, style vestimentaire, son, ambiance. Bref, entrer dans les années 2000. J'avais depuis longtemps des contacts avec Brennus, Musea et d'autres labels. Je sortais beaucoup en concert, je travaillais ma voix comme un dingue, j'avais calmé mon mode de vie déjanté pour donner le meilleur de moi-même mais les freins venaient des anciens membres du groupe. L'arrivée du synthétiseur et des orchestrations posaient problème même si avec le recul tout le monde s'accordait à dire que cela était extrêmement bénéfique pour l'avenir du groupe. Je pense que Seyminhol a connu une renaissance en 2002 grâce à "Northern Recital". Julien : Pour moi, à seize ans, aller en studio pour enregistrer était incroyable. Une fois le disque fini, il était évident qu'il fallait achever l'histoire. Nous avions, de plus, fait la connaissance de Nicolas pour quelques nappes de synthé. Ces nouvelles possibilités d'orchestrations enthousiasmaient tout le monde. Chris (Basse) : C'est à ce moment que nous avons réalisé que le groupe prenait un nouveau virage, nos ambitions ainsi que l'apport d'une maison de disque devaient nous y aider. Kévin : Et, hormis une escapade risquée en terre "electro-trash" en 2009 (cf. Ov Asylum), Seyminhol a depuis ce disque toujours produit des morceaux épiques à tendance progressive et symphonique. Nico (guitares, claviers) : Moi je débarquais dans le groupe, au début pour faire les claviers, mais j'ai de suite entraperçu le potentiel et la belle ambiance qui régnait entre nous.
"On n'a même pas essayé de s'inscrire à la Sacem parce qu'on souhaitait éviter de sortir trop d'argent."
La nouvelle orientation musicale de Seyminhol génère du rififi au sein du groupe et même des départs...
Kévin : Et donc voilà la suite "logique" du groupe, les nouveaux départs. Mais nous avions l'habitude de cela puisque, le groupe ayant été officiellement fondé en 1989 sous le nom de Spirith, il y a eu beaucoup de musiciens dans nos rangs dès les origines. En 2002, au départ de Marco et d'Éric nous en étions par exemple à notre sixième batteur… Bref, je savais que la période qui allait s'ouvrir serait très compliquée.
Julien : En effet… Les vrais problèmes sont arrivés vers la moitié de la composition. Nous décidions d'inclure Nico dans la formation comme clavieriste. Ce dernier étant également un talentueux guitariste, il apportait de bonnes idées. Les guitaristes ne virent pas cela d'un bon œil et leurs égos non plus. Seules la qualité et la musicalité nous importaient mais la jalousie a terni le tableau. Chris : La nouvelle orientation musicale sugérée par Nico a généré des tensions avec les membres originels. Il a pris les rennes des compositions avec notre approbation à Kévin et à moi-même.
Ces désacords entraînent un retard dans la sortie de l'album...
Kévin : Alain Ricard m'a téléphoné en mars 2002 pour me dire que Marco et Éric nous attaquaient en justice. On s'est rencontrés au tribunal et nous avons dû établir un document officiel qui évoquait les droits des uns et des autres. C'était davantage pour la forme que pour le fond parce nous n'envisagions absolument rien en terme de vente. Les royalties que nous percevions à cette date étaient dérisoires. Pour tout dire, on n'a même pas essayé de s'inscrire à la Sacem parce qu'on souhaitait éviter de sortir trop d'argent au moment du pressage de nos disques. En effet, depuis le début de nos enregistrements tous nos albums avaient été payés par nos soins à l'exception de "Septentrion's Walk" (pris en charge par Brennus en coffret collector). Nico : Je pense avec le recul que ce retard nous a été très préjudiciable compte tenu du succès underground de «Nordic Tales» et des concerts que l'on a donnés sans pouvoir rien proposer. De plus les chroniques commençaient à sortir sans que nous ayons de quoi contenter nos auditeurs.
Seyminhol, "Nordic Tales" (2001)
Du coup, quel line-up jouera sur Nothern Recital ?
Kévin : En live, ce sera la formation avec Chris Billon-Laroute à la basse, il était avec moi dans le groupe depuis les débuts (même depuis la création en 1989 pour ce qui le concerne) ; Julien Truttmann, le petit nouveau à la batterie, qui a très vite trouvé sa place au sein de l'équipe ; Nicolas Pélissier au synthétiseur (il est devenu le compositeur attitré) ; moi au chant ; Régis Reinert (un ancien Seyminhol et le compositeur principal d'Indian Spirit) à la guitare. Il y avait aussi des potes sur scène, avec nous pour les chœurs, les voix rauques, etc. Bref, l'aventure pouvait commencer. Nos problèmes juridiques se réglaient progressivement, les dates de concerts se multipliaient et nous gagnions en notoriété à chaque nouvelle prestation. Nico : Voir ce fameux concert à Woippy (57) dans un très gros festival de metal plutôt typé «extrême» où je me suis senti obligé de quitter mes synthés pour densifier les guitares (bon, jouer «The final Countdown» était un pari osé ! ).
"Cet album nous a différencié du métal français de l'époque."
Vous décrochez un contrat chez Brennus. Nouveaux espoirs, nouvelles contraintes ?
Julien : Nouveaux espoirs… trop peut être. Des contraintes pas vraiment. C'est un label très petit. Kévin : Nouveaux espoirs, oui. Et puis je connaissais Alain Ricard depuis 1995 et notre premier MCD "Thunder in the Dark". Il avait trouvé cet essai très chouette et m'avait juré que si nous pondions un disque complet avec la même qualité il nous signerait. Et c'est donc ce qu'il a fait en 2001. Mais bien sûr, malgré des ventes conséquentes en France (plus de 3000 albums vendus), les retombées financières se sont avérées bien maigres. On touchait seulement quelques euros par album et, si tu fais le calcul, cela représentait moins de dix mille euros à partager en cinq. Avec l'investissement pour les enregistrements, les décors de scène et tout le reste, autant dire que cela était beaucoup trop peu pour s'offrir les services d'un producteur. Nous avons toujours payé pour faire avancer la machine. Chris : Surement plus d'espoirs que de contraintes...
Le contrat en poche, vous vous attelez à l'album. Passer de quelques EP à un concept-album historique c'est gonflé et totalement différent du Seyminhol de la décennie précédente...
Chris : Cet album nous a différencié du métal français de l'époque, nous donnant accès à de belles scènes et festivals. Il pose les fondations du «nouveau» Seyminhol. Kévin : Oui, et en plus les morceaux du MCD ont été repris sur "Northern Recital" pour constituer le dernier chapitre de notre "œuvre". Ils avaient été composés par Éric et Marco en grande partie. Avec l'arrivée de Nico, le synthétiseur a boosté les premiers enregistrements mais l'évolution lors de l'écriture des deux autres chapitres du disque a été tellement phénoménale qu'il y avait un sérieux décalage. À tel point qu'il a fallu réenregistrer les morceaux du MCD pour qu'ils collent davantage à l'album complet, rechanter des parties, refaire des chœurs, des orchestrations, etc. Un boulot de titan avec un très petit budget. Heureusement, notre ami de toujours, Gilles Kauffmann, - un ingénieur du son rencontré au studio Linster à Luxembourg - était là pour nous aider. Et il n'a pas compté ses heures tout au long des phases d'enregistrement, de pré-mixage et de mastering. Il appréciait notre musique et donnait vraiment tout ce qu'il pouvait pour que nous puissions avoir un super résultat et le meilleur son possible. J'ai dû aussi m'atteler à la création d'une histoire plausible mais largement romancée, qui devait intervenir juste avant le fameux MCD "Nordic Tales". Je suis donc parti de l'attaque Viking sur le couvent de Lindisfarne en 793 et j'ai imaginé l'épopée d'un danois, Thorgis, cherchant à venger ses frères Saxons défaits par Charlemagne à Verden en 785. La suite de l'histoire a été un véritable casse-tête. Julien : Je n'étais pas là pour le Seyminhol d'avant, mais pour en avoir écouté tous les albums c'est vrai que l'évolution est grande ! Pour l'anecdote : à mon arrivée dans le groupe, Chris m'a donné tous les vieux albums sauf un, "Thunder in the dark", plus disponible. Je l'ai trouvé au Cash Converter quelques années plus tard pour compléter ma collection. Nico : En contextualisant cet album et surtout sa thématique, tu peux te rendre compte que seuls des groupes mondialement connus comme Amon Amarth (et souvent Scandinaves) traitaient du sujet, et encore de façon plus extrême que nous. Les ambiances, cette richesse historique était remarquable car elle a été produite sans gros moyens, à l'aide d'amis et de passionnés comme nous.